Cet article pour développer votre mobilité vous est proposé par Alexandre Grzegorczyk, un pratiquant passionné et passionnant. Il a un parcours très riche (par exemple il a pratiqué Yoseikan Budo, Kenjutsu notamment aux côtés de Kuroda sensei) et reste très ouvert d’esprit. Il est pratiquant et enseignant d’Aïkido Kishinkai mais continue de prendre des cours de boxe anglaise à titre d’exemple. Le sport est une passion si forte chez lui qu’il est devenu enseignant d’éducation physique et sportive.
Toujours prêt à remettre sa pratique en question, en perpétuelle recherche d’amélioration qu’il peut apporter à son entraînement, il va sans cesse à la pêche aux informations nouvelles. Pour en savoir plus sur lui retrouvez son interview en fin d’article ! 🙂
Je vous invite à suivre son travail sur son blog Budo Musha Shugyo, où il partage des astuces d’entraînements mais aussi des articles inspirants et motivants. Pour ne pas louper ses actualités et stages je vous invite également à le rejoindre sur Facebook. Comme d’habitude si vous aimez son travail n’hésitez pas à laisser un commentaire, ici ou sur son blog (ou les deux) et à partager !
Je m’arrête là pour laisser la parole à Alexandre !
Par définition, la mobilité correspond au caractère de ce qui peut être déplacé ou de ce qui se déplace par rapport à un point, un lieu, un environnement, un objet de même nature ou non, mais peut également se référer à un changement d’état. Pour faire simple, la mobilité est l’antithèse de l’immobilité ou de ce qui est figé.
Naturellement chez nous, elle est au centre de nos interactions quotidiennes. Au sein des activités corporelles elle trouve également une place prépondérante, à la fois comme moyen d’expression, de communication, d’adaptation à un environnement variable et incertain (selon l’activité) et d’atteinte d’un objectif spécifique. Elle est dès lors un enjeu de formation et d’apprentissage dans un souci de progrès du pratiquant, de libération, d’expression mais également d’efficience[1].
Avant d’aller plus loin, il est important de noter que la notion d’efficience n’est pas un élément propre aux activités de compétition. Elle se retrouve au sein de chaque activité corporelle sous diverses formes.
Dans la pratique des arts martiaux, nous retrouvons deux orientations majeures, regroupant plusieurs sous-ensembles, quant à la notion de mobilité. Une troisième orientation regroupant les deux premières est sans aucun doute importante à considérer puisqu’elle correspond à l’aboutissement et le transfert de compétence d’un travail isolé vers un travail global.
Développez votre mobilité spatiale
Par mobilité spatiale, j’entends la capacité de l’adepte à se mouvoir, se déplacer par rapport à son / ses adversaire(s) / partenaire(s). On y retrouvera différentes formes de travail accès sur les enjeux spécifiques de formation qui sont l’aisance, la capacité à se déplacer rapidement ainsi que la capacité à donner une réponse adéquate sous contrainte temporelle à un problème unique donné.
Cette partie de notre mobilité n’est toutefois pas seulement liée à nos capacités musculaires. Elle intègre à la fois :
- la capacité à produire des déplacements sources de potentialité, c’est-à-dire, source d’enchainement d’action et d’adaptation (qualité d’appui, coordination motrice efficace, etc.). Une vidéo de Corps et Esprit Martial sur des exercices pour améliorer la qualité des appuis
- la fluidité motrice de nos actions,
- la capacité de réaction à un stimulus (élément déclencheur de nos actions). Plus nous diminuons notre capacité de réaction plus le déplacement débute tôt,
- la capacité à lire / ressentir notre environnement pour dépasser le stade seul de la réaction et entrer dans ce que nous pourrions appeler l’anticipation proactive, c’est-à-dire au moment, voire juste avant, que l’action adverse se concrétise physiquement (capacité à lire l’adversaire : gestes d’appels / gestes parasites, transfert de poids, habitus corporels, lecture du rythme, etc.).
Fort de ce constat, voici un exercice que j’utilise fréquemment, offrant l’avantage de pouvoir être travailler seule et facilement adaptable à un travail à plusieurs. Il s’agit d’un exercice que j’apprécie particulièrement puisqu’il intervient sur plusieurs éléments de la mobilité spatiale tout en incluant l’étude de plusieurs principes phares en Aikido Kishinkai :
Sauver le Jo avec douceur / Save Jo with gently
Objectifs : développer votre mobilité, améliorer vos déplacements, vous déplacer avec légèreté, ne pas vous ancrer dans le sol, vous harmoniser à l’objet utilisé
But : récupérer le bâton avant qu’il ne touche le sol
Consignes :
1 – position de départ : debout, pieds joints, le Jo en position verticale maintenu entre le sol et notre main
2 – rompre le contact avec le Jo sans lui donner de direction particulière et le laisser tomber au sol
3 – se déplacer et venir récupérer le Jo avant que celui-ci ne touche le sol :
- on veillera à ne pas stopper la chute du Jo mais prendre un contact léger avec celui-ci (il ne doit pas y avoir de choc entre notre main et le Jo )
- on accompagnera le Jo jusqu’à ce qu’il arrive à quelques centimètres du sol
- on veillera également à ne pas modifier sa trajectoire. Tout l’enjeu est de s’harmoniser à la trajectoire du Jo et ne pas rediriger sa chute
- on veillera également à ne jamais laisser un pied ancrer au sol sur la position de départ, la jambe arrière devant suivre la jambe avant dans l’action
4 – descendre sur les jambes pour accompagner le Jo et ne pas rester les jambes tendues. L’idée est d’amortir la chute du Jo en mobilisant l’ensemble du corps.
Variables : faire l’exercice à plusieurs / en continue / varier les zones de contact avec le Jo (avant bras – dos de la main – poignet – etc.)
Développer mobilité corporelle
La mobilité corporelle correspond à la capacité à bouger une ou plusieurs parties du corps les unes par rapport aux autres (de façon dissociée ou conjointe). C’est un point intéressant source de progrès pour le pratiquant lui permettant:
- de dénouer les tensions qui limitent parfois nos mouvements, leur amplitude et donc notre capacité à bouger et répondre à un problème posait par aite
- la mobilité isolée d’une ou plusieurs parties du corps, permet d’améliorer notre degré de liberté et donc notre marge d’adaptation à l’action en minimisant l’atteinte de notre équilibre, notamment lors de Kaeshi Waza (retournement de technique de préhension). Par exemple, si mon degré/amplitude de mouvement des épaules et de mes Scapula (omoplates) est faible, la colonne vertébrale sera rapidement impactée, et donc mon équilibre, lors d’une action sur mes bras. À l’inverse, si mon degré d’amplitude est grand, il sera davantage aisé de laisser passer une partie du mouvement sans que ma colonne vertébrale soit impactée et donc mon équilibre. L’amplitude articulaire pourra en quelques sortes servir de tampon pour absorber une partie du mouvement adverse.
- le travail de mobilité corporelle participe également, et indirectement, au développement de notre conscience du corps et facilite grandement nos apprentissages.
- La dissociation de plusieurs parties du corps dans l’action dans un but commun est également un élément intéressant à explorer.
Il existe de nombreux exercices pour travailler notre mobilité corporelle. Notre quotidien ayant un impacte non négligeable sur la partie haute de notre corps (tension des épaules / de la nuque / entre les omoplates / etc.), je vous propose ici un exercice pour délier les tensions et développer notre amplitude de mouvement dans cette partie du corps. [Une méthode de souplesse pour les Arts Martiaux complètement gratuite ; la souplesse est une capacité physique importante pour améliorer sa mobilité]
Cirque Thoracique / Thoracic circus
Il s’agit d’un exercice qui m’a été enseigné par mon professeur de danse en STAPS, utilisé notamment en Hip Hop, dont j’ai retrouvé une forme similaire, bien que légèrement différente, en suivant l’enseignement d’Hino Akira senseï.
Objectifs : dénouer les tensions, mobilisé les épaules / les omoplates / le sternum
But : réaliser un cercle horizontal avec le haut du corps avec comme point de repère le centre imaginaire de notre cage thoracique. L’idée étant de mobiliser se point et de réaliser progressivement un cercle de plus en plus grand dans l’espace.
Consignes :
- Imaginez un point au centre de votre cage thoracique, situé sur une ligne passant par votre sternum et entre vos omoplates. Durant tout l’exercice focalisez votre attention sur ce point.
- Durant l’exercice tentez de garder vos épaules au même en droit dans l’espace.
- L’idée est maintenant d’amener le point imagé vers l’avant, le plus loin possible.
- À partir de cet instant vous allez dessiner un cercle en partant vers la gauche, puis vers l’arrière, etc., jusqu’à la réalisation d’un cercle complet.
- Réalisez l’exercice lentement, en dessinant tout d’abord un petit cercle et en l’agrandissant à chaque tour.
Variables : seulement d’avant en arrière / seulement sur le côté / faire des cercles dans les deux sens / etc.
Au début, il est possible que le cercle soit petit mais à force de concentration et de travail vous allez progressivement développer davantage d’amplitude, trouver davantage de degré de liberté dans votre mouvement et le cercle va s’agrandir. L’exercice va devenir de plus en plus agréable et vous allez découvrir une amplitude que vous ne soupçonner même pas.
Développer votre mobilité globale
Pratiquer les deux dimensions de façon isolée est intéressant pour mettre le doigt sur des points spécifiques et progresser plus rapidement, toutefois il est important de comprendre que ce qui nous intéresse dans nos pratiques est le résultat final, le résultat global.
Un des défauts que j’ai souvent pu constater est lorsque le travail de mobilité spatiale ou corporelle prend plus de place dans l’entrainement que le travail de mobilité globale. Sans exercices globaux permettant de réintégrer l’ensemble des points spécifiques travaillés, le transfert est difficile voir souvent un échec.
Il est important de garder à l’esprit que le travail spécifique d’éléments isolés est au service du résultat global, final. Il est un moyen et le problème se pose lorsque l’exercice à lui seul devient une finalité. Fort de ce constat, il me semble important d’user de ces exercices toujours en les accompagnants d’exercices plus globaux, c’est-à-dire d’exercices faisant appel aux deux orientations que nous avons vues pour faciliter les transferts à chaque étape de notre entrainement. [Un exercice en vidéo sur la page facebook d’Alexandre]
Voici un exercice que nous utilisons au sein de l’école Kishinkai permettant à la fois de développer une mobilité corporelle, une mobilité spatiale, notre perception de l’espace et de l’environnement ainsi que notre sensibilité corporelle au service des principes au cœur de notre école : Awase et Musubi (s’harmoniser / fusionner). Comme expliqué plus haut, le développement de notre sensibilité au monde environnant permet de lire finement notre adversaire. Il est un bon moyen de diminuer notre temps de réaction en sortant du domaine « action-réaction » pour entrer dans le domaine du « action – continuité d’action[2] »
S’harmoniser, fusionner / align and merge
Objectif : développer votre mobilité corporelle, votre sensibilité corporelle, votre mobilité spatiale et votre capacité à suivre le mouvement du partenaire [Ici 6 exercices pour améliorer vos sensation kinesthétiques, qui sont fortement en lien avec ces capacités.]
But : s’harmoniser aux gestes du partenaire, fusionner avec son mouvement
Consignes :
- Debout les yeux fermés, mon partenaire vient saisir mon poignet (les yeux fermés permettent de développer la sensibilité de mon corps de façon exponentielle. Coupé de la vue, je vais solliciter d’autres récepteurs pour prendre des informations et donc les développer. Si la vue est un outils développé chez nous, il n’est pas pour autant le plus efficace pour développer notre capacité d’adaptation).
- Mon partenaire va exercer lentement des actions sur mon corps à partir de la saisie (pousser, tirer, écarter, etc.). Plus mon niveau est faible, plus les actions de mon partenaire vont être lentes.
- Je vais devoir suivre les mouvements donnés par mon partenaire sans jamais lui offrir de contrainte, infime soit-elle. L’idée est de fusionner avec le mouvement. Mon partenaire ne doit sentir aucune lourdeur, aucune tension, aucun obstacle, comme s’il n’avait rien dans les mains.
- La seule difficulté sur laquelle doit jouer mon partenaire sera la légèreté de son contact (pour me donner le moins d’informations possible). La vitesse n’est pas forcément un critère de difficulté, notamment chez les élèves ayant atteint un niveau élevé dans cet exercice.
Variables : réaliser l’exercice avec deux partenaires agissant sur nous / remplacer la saisie par un contact léger des doigts ou du dos de la main / varier les zones de contact / etc.
À travers cet exercice, nous allons donc devoir être capable de bouger avec légèreté et aisance dans l’espace mais également mobiliser l’ensemble des parties de notre corps pour nous harmoniser du mieux possible au mouvement, voire fusionner, se fondre dans les mouvements adverses.
Voilà, ici quelques exercices au sein desquels, je l’espère, vous trouverez quelques pistes d’exploration dans vos entrainements.
Pour aller plus loin et découvrir l’interview d’Alexandre :
A très vite !
[1] L’efficience correspond, dans une activité physique ou corporelle, à l’efficacité maximale d’une action à moindre coût. Elle intègre à la fois la notion d’efficacité d’un élément mais également sa capacité de rendement.
[2] Le modèle « action – continuité d’action » est au cœur du travail de l’école Kishinkai. L’idée étant toujours de répondre en étant dans la continuité de l’action adverse et de ne jamais se retrouver en situation d’opposition. Nous ne sommes pas dans l’idée « action – réaction » au sens où les techniques de l’école Kishinkaï naissent essentiellement de l’action adverse et non d’une volonté d’imposer ou appliquer une technique.