La voici, notre toute première chronique martiale ! Vous avez voté pour la chronique du livre « Esprit zen, esprit neuf » ce qui représente pour nous un triple défi.
Tout d’abord, c’est une chronique martiale complexe car il s’agit d’un ouvrage empreint d’une culture différente, car, même si les propos de Suzuki Shunryu sont rapportés par ses élèves américains, les paroles font bien référence au mode de vie japonais.
Ensuite, ce livre est en fait une transcription de paroles prononcées par Shunryu Suzuki lors de diverses méditations. Il nous aura donc fallu parfois prendre du temps pour analyser ou échanger avec des experts (merci à ceux qui ont pris le temps de répondre à nos questions), pour bien comprendre les propos (même si nous sommes certains que dans quelques années nous aurons encore une autre vision du même texte, notre analyse évoluant avec nous).
Enfin c’est aussi un défi car le propos n’est ni les Arts Martiaux, ni la préparation physique ou mentale, mais le zen, en tant que religion (mais, comme le dira Shunryu Suzuki, ce n’est pas une religion comme les autres car on peut pratiquer le zen et avoir une religion autre à côté). Mais j’irai même plus loin, ce livre s’adresse en fait à toute personne passionnée par un sujet et qui souhaite s’investir du mieux qu’elle peut dans celui-ci. On pourrait très bien remplacer « zazen » par « exercice technique » et « école zen » par le nom de votre pratique martiale et vous ne seriez pas perdu.
Ce livre est avant tout une sorte de méthode pour prendre du plaisir et vous épanouir dans votre pratique, tout en progressant régulièrement. Et pour cela il fait appel à ce qui est universel : des principes. Tout comme Jigoro Kano, nous pensons que les principes acquis en travaillant régulièrement et correctement se reflètent dans l’ensemble de notre vie.
Ainsi, ce bujutsu n’est rien d’autre qu’une des applications du grand principe de ce monde que j’ai évoqué précédemment. Mais il faut savoir que ce principe s’applique aussi à des cas autres que l’attaque et la défense. Ou plutôt qu’il doit s’appliquer à tous les aspects de la société. Et cette voie de l’utilisation la plus efficace de l’énergie du corps et de l’esprit, je l’ai baptisée, de façon synthétique, judo. Quand on applique ce judo aux méthodes d’attaque et de défense, on l’appelle bujutsu”
“La raison pour laquelle le Kodokan en est venu volontairement à des exercices de baton”, Jigoro Kano, dans Judo de avril 1935
Avant de commencer la critique, nous vous rappelons que vous pouvez voter pour les livres des prochains mois. Comment ? En vous abonnant à notre liste mail, vous recevrez des mails vous permettant de voter pour le livre de votre choix. Cliquez ici pour vous abonner !
Maintenant que vous êtes motivés, voici le plan de cet article.Vous allez d’abord apprendre les différents états d’esprit qui nous semblent clés dans ce livre. Puis vous pourrez remarquer ce que cela peut apporter à votre pratique et nous finirons par voir comment les mettre en pratique dans vos entraînements réguliers !
Les états d’esprit pour progresser dans Esprit zen, Esprit neuf
Nous avons déjà écrit un article complet sur chacun des états d’esprit qui sont abordés dans Esprit zen, Esprit neuf (nous vous mettrons un lien à la fin de chaque partie pour que vous puissiez aller le lire).
Nous allons donc nous attarder sur la façon dont ces états d’esprit sont mis en pratique à chaque fois dans le livre.
Shoshin, l’esprit du débutant
L’esprit du débutant est quelque chose de très important dans les Arts Martiaux, d’ailleurs des experts comme Léo Tamaki et Lionel Froidure en parlent dans leurs interviews, mais ce n’est pas évident à mettre en pratique.
Dans ce livre, Shoshin est à l’honneur, c’est d’ailleurs l’idée qui ressort du titre « Esprit neuf » faisant référence à l’esprit nouveau du débutant. Cependant, on pourrait se demander pourquoi vouloir cet esprit du débutant ?
“Esprit neuf de débutant. L’esprit du débutant contient beaucoup de possibilités, mais celui de l’expert en contient peu”
Esprit zen, Esprit neuf, Shunryu Suzuki, p.29
Pourquoi dit-il cela ? Parce que, lorsque le débutant commence une nouvelle discipline, s’il a une confiance suffisante dans l’enseignant, il ne se fermera aucune porte qui peut le faire progresser. La personne experte, quant à elle, en mettant son expérience en confrontation avec ce qu’on lui montre, décidera que cela ne pourra pas lui convenir sans même essayer. En gardant l’esprit Shoshin, on peut se remettre dans la position de débutant et seulement après un essai sincère on pourra enrichir notre expérience par cette pratique.
Christian Tissier – Aïkido – Yashima tome 5 À propos de Saotome sensei :
“La première fois que je l’ai vu, je me suis dit “il piétine”. Je jugeais avec ce que j’avais l’habitude de voir. Tout ce qui était différent n’était pas bon à mes yeux, et ce qui était très très différent, je ne le voyais même pas ! »
De plus, le débutant ne projette pas d’objectif sur sa pratique, il n’a pas l’expérience suffisante, il est donc plus attentif à ce qu’il fait.
Prenons un exemple martial. Celui qui débute et travaille un enchaînement pied/poing de base est concentré et guette les réactions du partenaire. L’avancé ne guette plus les réactions et agit plus machinalement (il visualise automatiquement les déplacements de son partenaire car il a fait cet enchaînement des milliers de fois et parfois se fait avoir par le débutant qui n’a pas de réaction stéréotypée. Le mieux serait d’être un pratiquant avancé qui garde l’esprit de pratique du débutant, celui qui a l’expérience mais qui reste attentif.
Shoshin est un esprit essentiel des Arts Martiaux et ce livre est un excellent moyen de le comprendre. Si vous voulez en savoir plus sur Shoshin, on vous invite à lire notre article.
Ceci nous amène au deuxième état d’esprit qui est selon nous étudié dans ce livre.
Mushin, l’esprit vide, ou l’esprit libre
Mushin est un état d’esprit vide de toute perturbation et analyse. Le cerveau n’est plus dans le calcul, l’anticipation ou l’analyse du passé. Il se contente de se focaliser sur le présent et d’ignorer tout ce qui pourrait le perturber.
Peu importe ce que vous êtes en train de faire, si vous n’y êtes pas pleinement alors votre pratique devient vide de sens.
Pour arriver à ce détachement il faut accepter le passé et être conscient que l’avenir est multiple (et peut-être avoir une idée de ce qui peut arriver). Mais le plus important est que lorsque nous sommes en train d’agir, il faut se concentrer sur notre action pour avoir un résultat correct. On retrouve cette idée avec cette citation :
“Mais nous ne devrions rester attachés à rien de ce que nous avons fait; nous devrions seulement y réfléchir. Et il nous faut avoir une idée de ce que nous voulons faire dans l’avenir. Mais l’avenir est l’avenir, le passé est le passé; nous devrions maintenant travailler à quelque chose de nouveau.”
Esprit zen, Esprit neuf, Shunryu Suzuki, p.91
Cependant, réussir à obtenir cette attitude n’est pas chose aisée, rassurez-moi je ne suis pas le seul à avoir parfois du mal à être à 100% dans mon entraînement, à oublier les soucis du quotidien ? Personnellement, c’est lorsque j’ai des projets en retard qui approchent que j’ai le plus de mal à être focalisé. C’est d’ailleurs dans ces moments que je fais durer plus longtemps le Mokuso (cliquer sur ce lien si vous ne connaissez pas cette pratique). Si je ne peux pas, alors j’en fais un avant d’aller à l’entraînement, cela me permet de me recentrer sur ma pratique.
Comme on peut le lire plus loin dans Esprit Zen, Esprit Neuf, un troisième état d’esprit semble se trouver étroitement lié au Mushin. (Pour lire notre article complet sur le Mushin, cliquez sur le lien)
“Constance. Ceux qui connaissent l’état de vacuité seront toujours capables de dissoudre leurs problèmes par la constance.”
Esprit zen, Esprit neuf, Shunryu Suzuki, p.107
Fudoshin, l’esprit immuable
Qu’est-ce qu’une pratique, même parfaitement accomplie, nous apportera si elle n’est pas régulière ? Faites une pompe, même merveilleuse, et attendez 1 mois avant de recommencer.. Vous risquez d’attendre longtemps avant d’observer des résultats.
Par contre si vous pratiquez des pompes régulièrement, même si elles ne sont pas parfaites (nous parlons ici de l’intensité, non pas des points clés pour ne pas vous blesser), alors vous constaterez des progrès. Le bon état d’esprit c’est aussi celui qui est continu !
Pour pouvoir continuer de façon imperturbable, il est nécessaire d’être souple. Mais cela signifie quoi ?
“Quand notre pensée est souple, on l’appelle la pensée imperturbable. Cette pensée-là est stable. On l’appelle consciente présente.”
Esprit zen, Esprit neuf, Shunryu Suzuki, p.151
Cela signifie être capable d’adapter sa pratique du jour, être capable d’accepter que l’on puisse ne pas être au top. Ce n’est pas pour autant qu’il faut se laisser aller et ne pas faire de son mieux, mais si ce jour-là nous ne pouvons pas faire mieux, il faut l’accepter et travailler de cette façon.
Découvrez l’article complet sur le Fudoshin ici.
Par exemple, il a quelques années je m’étais fait une petite blessure aux adducteurs, rien de bien grave, mais je sentais une douleur (et non pas de l’inconfort, je sentais bien que ce n’était pas normal, mais je pouvais travailler). Manque de chance, ce jour-là on travaillait les coups de pied. Je n’ai rien dit. Je me suis blessé plus “gravement”, je n’ai pas pu lever la jambe correctement pendant plus d’un an. Cela fait maintenant trois ans et je n’ai pas totalement récupéré mon amplitude de mouvement.
Qu’est-ce que je retire de cette magnifique leçon ? Il faut accepter que parfois notre 100% soit plus bas que celui de la veille. D’ailleurs il m’est arrivé la même chose au niveau des triceps. Eh bien lors des exercices de coups de poing j’ai été moins rapide et j’ai pas cherché l’extension. Par contre je me suis focalisé sur d’autres points clé, comme mon positionnement et un meilleur timing. Il faut pouvoir s’adapter en toute circonstance.
Je termine cette partie avec une citation du célèbre Anthony Robbins, expert en PNL (programmation neuro-linguistique)
“Nous retrouvons ici un élément commun à tout ce dont nous avons parlé, la souplesse. Souvenez-vous que, quel que soit le contexte, c’est le système le plus souple, celui qui comporte le plus de choix différents, qui se révélera le plus efficace. »
Pouvoir Illimité, Anthony Robbins, p.442
Esprit Zen, Esprit neuf, qu’est-ce que cela peut apporter à un combattant ?
Bien, maintenant que vous savez quels sont les états d’esprit qui nous semblent clés dans ce livre, pourquoi sont-ils adaptés et surtout qu’est-ce qu’ils peuvent concrètement apporter à la pratique martiale ?
Qualité d’apprentissage
Si vous êtes régulier et que vous gardez un esprit de débutant, alors votre qualité d’apprentissage s’améliorera énormément.
Cela veut dire que vous apprendrez :
- plus vite
- tout le temps
- de tout le monde
Une citation qui reflète très bien cet état d’esprit pour moi est celle de celui qui est aujourd’hui à la tête du Nihon Taijutsu.
“ Parfois aussi les élèves discutent entre eux, ou ne font pas attention aux explications parce qu’ils considèrent que c’est une technique simple et qu’ils la connaissent déjà. C’est une grosse erreur. En tant qu’élève quel que soit son niveau, en stage, il faut se mettre au maximum dans l’esprit du débutant, comme si on voyait la technique pour la première fois. C’est la seule façon de s’assurer de ne pas passer à côté de quelque chose.”
Philippe Galais, Expert en Nihon Taijutsu, Yashima tome 9 p.55
Une autre anecdote que j’aime raconter sur ma pratique et qui montre à quel point c’est important pour moi.
Un jour, alors que j’étudiais avec Armand Valle une technique récurrente de notre école (sans être une de celle que l’on étudie le plus) il annonce qu’on se met en position Neifanchi. J’ai étudié de nombreuses fois cette technique et je n’avais jamais fait attention qu’on devait prendre cette position. J’en prenais une très proche, mais pas celle-ci. Je lui demande alors si c’est nouveau (en Ju-jutsu Mushinryu il arrive régulièrement d’avoir des petites variations techniques). Il me répond que non. Et effectivement en vérifiant dans les vidéos d’archives, qui remontaient à plusieurs années pour certaines, il prenait bien cette position à l’époque.
Qu’est-ce que j’ai retenu de cette histoire ?
- 1 : On n’est jamais certain qu’un détail ne nous aura pas échappé
- 2 : Toujours réapprendre la technique (en ré-analysant et ré-apprenant le mouvement, car au final c’est le meilleur moyen de ne rien manquer)
- 3 : Il n’est jamais trop tard pour bien faire
Pour moi, si vous travaillez de cette façon vous progresserez beaucoup plus vite. Depuis que j’applique ces règles j’ai remarqué que ma qualité d’apprentissage s’est nettement développée. Je fais également plus attention à donner des points clés à chaque fois que je donne des explications à un élève.
Amélioration de la répétition
L’apprentissage passe par une phase de répétition. On dit qu’il faut environ 10 000 répétitions d’un mouvement pour le maîtriser. Mais combien de fois faut-il faire le mouvement avant de trouver le bon geste ?
Lorsque vous pratiquez depuis dix ans, que vous avez répété des milliers de fois un mouvement et que l’on vous dit quelque chose qui ressemble à “Oui, ça ressemble à quelque chose pour un aveugle dans le noir” ou encore “Ce mouvement n’est pas bon”, il y a parfois un découragement qui s’installe.
Comment garder cet esprit de répétition, comment être fudoshin dans cette situation ?
La première chose que l’on peut retirer du livre est le fait d’arrêter de se donner des objectifs constants, mais plutôt d’être dans l’instant présent. Si vous vous projetez sur un objectif durant votre pratique, savoir que quelque chose est à reprendre vous “éloigne de cet objectif”. S’il est important d’avoir des objectifs, il faut savoir les mettre de côté au moment de pratiquer.
Le second conseil revient au point précédent. Si l’on est tout le temps en train d’apprendre un mouvement qui est nouveau, lorsqu’on nous dit qu’un mouvement n’est pas le bon, ce n’est pas grave, on change le mouvement que l’on apprend, mais on continue d’être en “apprentissage”.
Le troisième conseil est un point que l’on a développé dans un article complet : l’erreur, une marque positive de votre progression. Mais, comme cet article nous semble suffisamment dense, nous vous invitons plutôt à cliquer sur le lien pour le lire.
Amélioration de la concentration
En étant mushin, vous serez entièrement à ce que vous faites. Cela veut dire que vous ne serez plus “pollué” par tout ce qui vous entoure. Vous serez dans une pratique plus juste et vos mouvements seront plus précis.
Imaginez une seconde, que vous n’ayez plus de soucis à gérer. Plus de tâches à faire, plus d’argent à gérer, plus de relation stressante avec telle ou telle personne. Ne seriez-vous pas plus efficace globalement dans vos actions ?
Eh bien en étant Mushin, vous vous concentrez sur l’action. Autrement dit, lorsque vous vous occupez de votre gestion d’argent, vous gérez ce problème à 100%. Lorsque vous vous entraînez, vous le faites entièrement.
Le deuxième point sur la concentration est encore plus proche de notre pratique, tellement proche qu’on pourrait le croire sorti du Goro No Sei (Traité des cinq roues) de Miyamoto Musashi.
“Essayez de ne voir rien en particulier; essayez de n’accomplir rien de spécial.”
Esprit zen, Esprit neuf, Shunryu Suzuki, p.80
“Entre voir et regarder, voir est plus important que regarder. L’essentiel dans la tactique est de voir ce qui est éloigné comme si c’était proche et de voir ce qui est proche comme si c’était éloigné”
Goro No Sei, Miyamoto Musashi
Si l’on n’y prête pas attention, on pourrait croire que ces deux citations sont opposées. Cependant, leur fond est identique. Il ne faut pas s’attacher aux détails et voir les choses dans leur ensemble.
En combat, si vous vous focalisez sur les poings de votre adversaire, vous prendrez un coup de pied. Si vous vous focalisez sur les pieds, vous subirez un coup de poing. En vous focalisant sur rien, regardant la silhouette sans vous attachez à rien, alors vous pourrez voir l’ensemble des mouvements arriver.
Il est maintenant temps de voir comment appliquer ces points pour faire progresser nos pratiques, non ?
Comment appliquer les conseils d’Esprit Zen, Esprit neuf ?
Renforcer votre présence au moment présent ?
Un défaut que l’on peut avoir est souvent d’avoir du mal à ajuster le curseur de tolérance dans la pratique. Si vous le mettez trop haut (par exemple en revenant après une blessure) alors vous risquez d’être déçu ou pire, de vous blesser. Si au contraire il est placé trop bas, vous pouvez vous endormir dans une sorte de confort perpétuel.
“La cendre est cendre; elle n’appartient pas au charbon”
Esprit zen, Esprit neuf, Shunryu Suzuki, p.133
À l’instar de cette maxime qui tend à montrer que nous sommes unique à chaque instant, je prends le temps de réfléchir à mon état avant de pousser la porte du dojo. Je le fais sincèrement et sans transiger.
Si je me juge capable de m’entraîner sans restriction alors je ferai tout mon maximum pour faire les exercices proposés sans restriction. Cela ne veut pas dire que je vais tous les maîtriser, mais je ne me dirais pas “attention ici danger”. Cela peut sembler anodin, mais il est très régulier de n’être limité que par nous-même.
Par contre, pour arriver à cela il faut avoir 100% confiance dans l’enseignant qui nous donne le cours, car il va peut-être nous faire dépasser un seuil d’intensité, et si nous n’avons pas confiance, nous risquons d’être bloqué.
Un excellent exemple c’est la technique des chutes (ukemi en japonais). Beaucoup d’élèves ont peur de chuter au premier cours. Mais une fois qu’ils connaissent l’enseignant (et parfois sans avoir travaillé les chutes avant) ils passent par dessus un obstacle sans problème. Cette relation entre l’enseignant et l’élève est très importante pour moi.
Si je me dis : “Ok, tu as mal ici, tu ne vas donc pas forcer”, je ne forcerai pas quoi qu’il arrive. Je travaillerai intensément (à 100% du moment que cela ne touche pas la zone blessée) mais je me préserverai, car je veux pratiquer le plus longtemps possible. Cependant, j’ai la capacité ce choix car je sais maintenant faire la différence entre une douleur sérieuse et quelques zones d’inconforts comme des courbatures plus ou moins importantes.
En faisant ainsi, je fais une sorte de pacte avec moi-même et, tant que je reste dans les limites de ce pacte, alors je n’ai plus besoin de réfléchir, seulement de m’entraîner.
“Mais tant que vous pensez : “Je suis en train de faire ceci”, ou “je dois faire ceci”, ou “je dois atteindre quelque chose de spécial”, en réalité vous ne faites rien.”
Esprit zen, Esprit neuf, Shunryu Suzuki, p.63
Un peu plus haut je vous ai parlé de cette fois où j’ai compris après plusieurs années qu’une position m’échappait sur une technique. Eh bien, depuis aucun compromis n’est possible, je suis beaucoup plus présent. Lorsque je vois une technique je l’apprends comme si c’était la première fois. J’essaye de m’en imprégner au mieux.
Pour cela j’ai créé une routine, dont je vous présente les éléments par ordre décroissant d’importance dans l’apprentissage (cela n’est que ma vision). À la première démonstration j’analyse les déplacements, dans la seconde la forme globale du corps, dans la troisième les détails de l’action, puis je finis par les positions. Après quoi, si je pense avoir cerné ces détails, je me permets d’aller plus loin dans la finesse d’analyse (par exemple : est-ce qu’il balaye le pied plutôt au talon ou à la malléole ?), des détails qui sont importants, mais qui n’ont de sens que si les éléments sont suffisamment maîtrisés. C’est un avis qui n’engage que moi. D’ailleurs un débutant vous fera remarquer des choses du type : “C’est bien, je sais où le balayer, mais comme je ne sais pas me déplacer il me fait tomber bien avant que j’y arrive”.
Et vous, avez-vous une routine pour apprendre une technique ou pas ? Si vous en avez une dites-la nous en commentaire, cela nous intéresse beaucoup ! Je suis certain que cela peut m’aider à améliorer ma propre pratique.
Développer votre motivation ?
Vous vous entraînez très certainement régulièrement, ce qui est très bien ! Cependant il peut arriver que vous soyez démotivé. Vous voyez d’autres personnes qui progressent, mais vous, vous avez plus de mal.
“Après avoir pratiqué un certain temps, vous comprendrez qu’il n’est pas possible de faire des progrès rapides et extraordinaires.”
Esprit zen, Esprit neuf, Shunryu Suzuki, p.62
Il faut alors vous rappeler que les autres ont peut-être d’autres difficultés, que ce n’est pas parce que vous avez plus de difficultés à gérer certains éléments que vous ne progressez pas, même si cela ne se voit pas. Tout le monde ne progresse pas à la même vitesse.
Lorsque je me sens démotivé parce que j’ai l’impression de ne pas progresser, je prends un livre ou une interview d’un expert, et je regarde les difficultés qu’il a traversées avant d’arriver là où il en est. En voyant ses soucis, les vôtres vous sembleront peut-être moins insurmontables.
Si vous cherchez des idées de personnes inspirantes, on vous invite à visiter notre catégorie “interview” de youtube qui en regorge.
En appliquant cette règle, ma motivation prend un coup de fouet. Mais pour éviter d’avoir le moral en berne, je veille à écouter au moins une interview ou alors je regarde un DVD de En Terre Martiale. Bref, je cultive mon intérêt pour les Arts Martiaux et je m’inspire des histoires de différents passionnés pour nourrir ma propre pratique.
Améliorer votre implication ?
Répéter inlassablement un mouvement jusqu’à atteindre un Everest, c’est envisageable. Répéter sans répit, sans aucun but précis, sans Grall, ça l’est peut-être beaucoup moins.
“Rien de spécial. Si vous continuez chaque jour cette simple pratique, vous obtiendrez une puissance merveilleuse. Avant d’être atteinte, c’est quelque chose de merveilleux, mais, une fois atteinte, ce n’est rien de spécial.”
Esprit zen, Esprit neuf, Shunryu Suzuki, p.63
On commence tous la discipline pour quelque chose. Devenir plus fort, gagner en confiance, faire de la compétition, les raisons ne manquent pas. Seulement, au bout d’un certain temps une question arrive, pourquoi continuer ?
Si le but est d’atteindre un mont, d’arriver au sommet de notre art, alors il a une fin précise. Mais surtout, pour ceux qui y sont arrivés, il leur semble que ce n’est “rien d’extraordinaire”, certains parlent de “coup de chance”, ou “d’efforts qui peuvent être envisagés par tous, il suffit de le vouloir”. Cela vous semble impossible ?
Si vous pratiquez depuis un certain temps, peu importe la discipline, faites une démonstration à quelqu’un qui ne pratique pas du tout les Arts Martiaux. Peu importe votre spécialité, mettez un coup rapide et précis, faites une projection. Mieux encore, faites-lui ressentir le mouvement (sans l’abîmer, je suis sûr qu’il est sympa). Cela lui semblera extraordinaire (les enfants sont ceux qui se montreront les plus enthousiastes, car ils n’ont pas les filtres sociaux qu’ont les adultes). Pour cette personne, vous lui avez montré une montagne, celle sur lequel vous vous tenez. Vous, vous êtes conscient qu’il y en a d’autres, pas lui. Mais les personnes que vous regardez ne font que se tenir sur des pics plus élevés que vous, et, elles aussi, voient des monts plus hauts.
Bien entendu, les monts les plus élevés sont parfois pleins de fantasmes totalement impossibles (comme la projection à distance) et il faut veiller à se prémunir de cela, en restant ancré dans des actions concrètes. Mais, hormis ces dérives, ces monts sont très utiles, pour deux raisons :
- 1 : ils vous fixent des objectifs à atteindre, un idéal vers quoi tendre
- 2 : En gardant en tête que ce n’est rien de spécial, alors ces objectifs sont atteignables si bous travaillez régulièrement et correctement
En vous fixant des objectifs, en gardant en tête qu’ils sont atteignables, alors vous êtes sûr de rester motivés et de travailler inlassablement. Et si un jour vous semblez perdu, rappelez-vous que vous avez déjà parcouru du chemin, sans chercher à flatter votre ego, seulement pour vérifier que vous allez dans la bonne direction, celle que vous avez choisie (que cela soit la self-défense, la démonstration, la compétition, etc,…).
Prenez José, il n’est pas devenu le roi de la grillade du jour au lendemain. Il a pris son temps et cela a fini par payer.
Vous émanciper ?
Développer sa propre façon de pratiquer est quelque chose de complexe et demande beaucoup d’entraînement. Cependant, rendre ses élèves autonomes n’est pas chose aisée.
On s’imagine que la liberté vient du fait de ne pas avoir de règle alors que… pas du tout.
“Mais la liberté parfaite ne se trouve pas sans quelques règles. Les gens, surtout les jeunes, pensent que la liberté consiste à ne faire que ce qu’ils veulent, que dans le zen les règles sont inutiles. Mais il nous est absolument nécessaire d’avoir des règles.”
Esprit zen, Esprit neuf, Shunryu Suzuki, p.46
Comme le dit Shunryu Suzuki, les règles, la contrainte, sont le vrai moyen de s’émanciper. Dans votre pratique, en vous imposant des thèmes, vous deviendrez capable de vraiment être libre, en ayant la capacité de vous adapter comme vous le souhaitez de toutes les situations.
Prenons un cas concret : un jab (frappe du poing avant). Si je ne sais réagir qu’en sortant sur l’intérieur, et que je ne peux pas le faire un jour (il y a un obstacle par exemple) je suis alors coincé. Cela peut arriver si j’ai été libre tout le temps à l’entraînement et que l’on ne m’a pas obligé à faire autre chose que ce que je voulais. Par contre, si on m’a contraint à :
- sortir sur le côté extérieur du poing
- reculer
- esquiver sur place
- avancer
alors je suis capable de réagir même s’il y a un obstacle. Je suis même libre de choisir ce que je souhaite faire.
Le second problème de cette émancipation est clairement énoncé dans Esprit zen, Esprit neuf :
“Au moment où vous rencontrez un maître, vous devriez quitter le maître et être indépendant. Vous avez besoin d’un maître afin de devenir indépendant. Si vous ne lui êtes pas attaché, le maître vous montrera le chemin qui conduit à vous-même.”
Esprit zen, Esprit neuf, Shunryu Suzuki, p.98
Souvent les élèves sont attachés à leur enseignant. Parfois ils lui vouent une sorte de culte malgré lui. Alors ils ne sont plus capables de trouver leur identité. C’est pour cela qu’il faut accepter de se détacher du maître.
Et pour cela je vous invite à relire le paragraphe précédent !
Vous l’aurez compris, pour moi ce livre est une vraie passerelle vers le Shu – Ha – Ri, le cycle d’apprentissage japonais. Mais cela nous ne pouvons le développer ici, nous le ferons peut-être dans un autre article si cela vous intéresse !
Ça y est, vous arrivez au bout de cette première chronique martiale. Dites-nous ce que vous en avez pensé, trouvez-vous cela utile ou pas du tout ? Comment pourrions-nous nous améliorer !
On vous remercie à tous pour votre lecture et si vous voulez avoir de nouvelles idées pédagogiques, on vous invite à lire cet article : La pédagogie de demain : des cours qui vous ressemblent.
Pour voter, pour le prochain livre vous avez les instructions dans cette vidéo :
À très vite
Cet article est corrigé par Henri-Pierre Juguet. Nous le remercions pour son travail de qualité. Si vous aussi vous souhaitez un bon relecteur/correcteur, voici son adresse mail :
hpj.correction.redaction@gmail.com
Super intéressant comme approche.
Pour ma part, je trouve que être zen et tranquille lors d’un sport de combat ou dans la pratique d’un art martial permet d’être plus lucide dans ses mouvements. Comme pour beaucoup d’autres sports et activités physiques.
A bientôt
Bonjour Simon,
Merci beaucoup pour ton commentaire. Tout à fait, même si j’aime plutôt les mots « détaché » ou « détendu », je pense qu’on ait sur la même idée.
Merci pour ton soutien et bravo pour ton blog !
C’est fascinant ! Merci beaucoup pour cet article 😀 Ça me fait forcément penser à la magnifique trilogie Ellana, de Pierre Bottero, où l’auteur imprègne beaucoup ses trois romans d’esprit martial, notamment dans la relation maître-élève, avec justement cette notion de non-attachement, pour poursuivre sa propre voie.
J’ai aussi pensé à ce qui est enseigné dans le Shorinji Kempo. Cet art martial est imprégné d’une philosophie bouddhiste zen, très liée aux arts martiaux chinois. Il met l’accent sur la complémentarité entre la pratique martiale et la pratique zen, autour de deux principes :
– Chinkon-Gyo : l’étude et l’entraînement d’une méthode de méditation particulière (d’après ce que j’ai lu sur le site du CSKN), axée sur le contrôle respiratoire et postural (Chosoku) et la prise de conscience du Hara.
– Sei-Ho : un système de remise en forme en stimulant par pressions et massages les méridiens centraux (Seikei) et périphériques (Seimyaku) ; l’ajustement corporel (Seikotsu) et les techniques de réanimation traditionnelle (Kappo).
À voir ce que ça donne en pratique, mais je trouve que cela ajoute une certaine particularité à l’art martial, car je n’ai pas l’impression que beaucoup d’arts martiaux incluent ces concepts philosophiques zen.
Merci pour ce retour et votre apport très intéressant. Je ne connais pas cette trilogie mais pourquoi pas me plonger dedans. Dans le type fantasy, il y a également le clan des Otori que j’aime beaucoup pour l’esprit très martial en toile de fond.
Pour le côté philosophique de chaque discipline, je pense qu’il en faut pour tous les goûts et surtout il faut laisser les élèves libres d’expérimenter et d’apprendre.
Par exemple les technique respiratoire peuvent être étudié par les techniques de respiration zen mais aussi d’autres méthodes très pertinentes (Wim Hof, resporations TOP, etc.).
Au plaisir d’échanger,
Marvin