L’histoire des Arts Martiaux est remplie de fantasmes et d’illusions, entretenus par l’éloignement (qui peut-être temporelle et/ou géographique) ainsi que par le désir de découvrir autre chose. Cela n’empêche pas des experts et passionnés de se plonger dans ce sujet pour réussir à faire émerger des faits, nous permettant de mieux comprendre l’évolution de nos disciplines.
Et, si nous ne nous attardons pas ici à étudier les différents travaux de personnes comme Jean-Charles Juster, Kacem Zoughari, Kousaku Yokota, et de nombreuses autres personnes, nous chercherons à voir ce que l’étude historique et théorique peut vous apporter.
Faire évoluer votre pratique grâce à l’histoire des Arts Martiaux
Sans hésiter, je dirais que connaître l’histoire de votre discipline est un excellent moyen de faire évoluer votre pratique, de la faire passer à un autre niveau. Cela est un excellent moyen d’accélérer votre apprentissage.
Nous allons vous expliquer ce que vous avez à y gagner.
Prendre de la hauteur grâce à l’histoire des Arts Martiaux
Vous vous entraînez peut-être depuis un certain temps, très certainement de façon assidue si vous êtes en train de lire ces lignes, pour trouver un moyen d’approfondir votre pratique.
Eh bien ! Vous renseigner sur d’autres disciplines, ou sur des façons d’analyser la vôtre, va vous permettre de prendre de la distance par rapport à votre apprentissage et changer de façon de l’observer.
Lorsqu’on est bloqué face à un problème, on sait tous que changer de position, prendre du recul est une solution. Souvent, mettre une distance émotionnelle (le plus régulièrement grâce au temps) permet d’analyser les éléments qui nous bloquent de façon différente, et il arrive régulièrement de se dise “Ce n’était pas si grave” ou “La solution était toute simple”.
De même, on connaît le proverbe “Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait”. La distance que crée le temps permet de détacher son ego des problèmes et des façons de faire, donnant d’autres pistes pour progresser.
Dans les Arts Martiaux, les conseils d’anciens pratiquants, qui ont rencontré les mêmes questions que vous, qui sont passés par le même cheminement (ou un autre), sont un moyen de donner de la distance émotionnelle et d’avoir une réflexion plus construite sur votre pratique.
D’ailleurs, toutes les personnes que l’on a pu interviewer font référence à cet apprentissage auprès des anciens. Même ceux qui ne savaient pas lire ont pris des voies détournées pour y accéder.
C’est grâce à cette distance que les Arts Martiaux deviennent un mode de vie, une façon d’être, car c’est en prenant de la hauteur que l’on peut se rendre compte que tout est lié. Si on reste collé à notre pratique, on ne voit pas tous les chemins qui y sont reliés.
Ou alors vous pouvez faire comme José (😜), décider de vous entraîner, ne pas écouter les conseils, puis parcourir à nouveau tout le chemin des anciens sans profiter de leur expérience. C’est un choix qui se respecte.
Shu Ha Ri : dépasser vos limites ?
Le Shu Ha Ri est un concept japonais très complexe. Le docteur en langue et civilisation japonaise et pratiquant de Ninjutsu émérite Kacem Zoughari a consacré une conférence complète sur l’histoire de ce concept. N’hésitez pas à l’écouter sur ce lien.
Nous allons faire beaucoup plus simple que lui dans la définition de ces termes :
- Shu : protéger / obéir : cela consiste à copier le maître le mieux possible
- Ha : se détacher. C’est le moment où l’on commence à simplement imiter, et que l’on cherche des réponses aux questions et aux doutes qui nous animent
- Ri : briser / se séparer : C’est le moment où l’on agit d’une façon qui nous correspond totalement, ne cherchant plus à réagir aux enseignements reçus
“Ces qualités de respect, adaptation et créativité sont l’essence de ses [ au pratiquant d’Arts Martiaux] traditions martiales et culturelles, et les garants d’un cheminement fructueux pour sa civilisation, comme pour le pratiquant qui saura les adopter”
Léo Tamaki, “Trois conseils pour améliorer votre pratique, par 15 experts” ebook gratuit et téléchargeable ici
Ce processus est long, et il demande une maturité qui n’apparaît qu’après beaucoup de pratique intense et sincère. Mais il est également cyclique.
Lors d’une master class avec le guitariste Matthia Eiklund, le guitariste et chanteur du groupe Freak Kitchen, connu pour son style original, il nous a dit “Jouer un morceau comme celui-ci (il joue le morceau “La bamba”) tout le monde peut le faire. Ce qui compte, c’est de laisser pousser vos propres moustaches, grâce à votre expérience. Au bout d’un moment, arrêtez de me copier et laissez votre style émerger. Beaucoup de guitaristes restent des copieurs”.
Je trouve ce discours très proche de la notion de Shu Ha Ri. Et vous, qu’en pensez-vous ?
L’apprentissage théorique et l’étude de l’histoire des Arts Martiaux, le fait de lire des livres d’anciens pratiquants ou maîtres, joue ici un double rôle.
D’un côté, comme on l’a dit tout à l’heure, cela donne de la hauteur sur la pratique. De cette façon, c’est un excellent moyen de passer d’une étape à l’autre, permettant de trouver des réponses aux doutes ou au contraire d’affirmer votre position et votre vision.
D’un autre côté, c’est aussi un très bon moyen de revenir au Shu, de se rappeler que notre connaissance n’est que parcellaire et que l’on peut toujours apprendre. En ce sens, c’est un excellent moyen de préserver le Shoshin, l’esprit du débutant, qui vous permet de garder un regard neuf sur votre pratique martiale.
Rester motivé
Lorsqu’on débute on pense très vite avoir beaucoup de connaissances sur ce thème. Et lorsqu’on devient un expert, on gagne en confiance en ses connaissances tout en ayant conscience de l’ampleur de ce que l’on ne connaît pas.
Cela est très proche de l’effet de Dunning-Kruger, également appelé effet de surconfiance. (Sauf que cet effet porte sur la confiance en soi, et non sur les compétences que l’on a, mais, vous en conviendrez, cela est très fortement lié).
Schéma de l’effet Dunning-Kruger tiré de la page Wikipédia
Vous allez me dire “Cela me fait une belle jambe de savoir cela… Et maintenant quel est le lien entre le fait de lire ou d’écouter des interviews, cet effet, et ma motivation ?”.
La majorité des êtres humains aiment progresser dans ce qu’ils font. Et je suis certain que vous en faites partie, même si vous n’êtes pas compétiteurs. N’êtes-vous pas heureux lorsque vous réussissez à réaliser une technique que vous n’arriviez pas à utiliser auparavant ?
Cependant, lorsqu’on est dans “la montagne de la stupidité”, c’est-à-dire le moment où l’on surestime ses compétences, on peut perdre sa motivation et se dire “Je vais m’entraîner, mais pour apprendre quoi ? J’ai déjà tout vu”. C’est à ce moment qu’il peut être bon de lire le discours de personnes bien en avance sur nous de façon à retrouver une certaine humilité et le Shoshin dont on parlait au paragraphe précédent. Cela permet de se rendre compte qu’il y a encore beaucoup de choses à voir.
Lorsque, au contraire, on est dans “la vallée de l’humilité”, et que l’on perd confiance en nos capacités, on peut se retrouver totalement démotivé voir dégoûté de sa pratique. Qui n’a jamais eu envie de baisser les bras, ne serait-ce que 5 minutes, ou ne s’est pas demandé pourquoi il faisait tout cela ? C’est le moment parfait pour découvrir des similitudes de parcours vécues par des experts de renoms, et cela peut être motivant et inspirant. Et pour cela, rien de mieux que de lire ou d’écouter des témoignages !
Histoire des Arts Martiaux : une arme contre vos peurs
L’inconnu est angoissant. Ne pas savoir est quelque chose d’horrible, car on peut projeter nos craintes et nos doutes dans le vide de cet inconnu.
Dans votre parcours martial, il y a peut-être déjà eu des moments où vous vous êtes demandé « Que faire après cette étape ?”, ou encore “Est-ce que je peux encore progresser ?”.
En lisant les parcours d’autres combattants, notamment des biographies, vous pourrez vous projeter dans leur histoire supprimant ainsi l’inconnu en ouvrant un chemin de possibilités.
« Après tout, c’est cela que véhicule le mot keiko : 稽古. Le premier signe veut dire songer à, mettre en rapport, et le second signifie ce qui est ancien, ce mot implique donc de « se référer au passé ».
Jean-Charles Juster, Trois conseils pour améliorer votre pratique, par 15 experts” ebook gratuit et téléchargeable gratuitement ici
Cependant, trouver le bon livre au bon moment n’est pas évident. C’est pour cela que l’on a créé notre rubrique “Chronique martiale” : pour vous aider à choisir des livres qui vous font progresser. Vous pouvez d’ailleurs voter pour le livre du mois qui vous fait le plus envie ! Abonnez-vous à notre liste de mail pour recevoir toutes les infos. Pour cela il vous suffit de télécharger le cadeau gratuit de votre choix !
Maintenant que vous savez ce que vous avez à gagner en apprenant plus de choses théoriques et sur l’histoire des Arts Martiaux et plus particulièrement de votre discipline, nous allons voir comment le faire de façon pratique.
Comment améliorer ses connaissances historiques et théoriques dans les Arts Martiaux ?
Devenez acteur de vos connaissances dans les Arts Martiaux et Sports de Combat
Lorsqu’on écoute ou lit une interview, on peut très bien rester passif, en écoutant ou en lisant simplement, mais il est également intéressant d’être actif. Cela vous permettra de mieux construire votre connaissance, mais aussi d’apprendre plus vite. Pour cela il y a plusieurs techniques (cette liste n’est pas exhaustive) :
- Prendre des notes au fil de l’écoute / la lecture.
- Poser des questions. Plus que la réponse qu’elle peut apporter, une question pertinente vous obligera à bien écouter et à fouiller dans vos connaissances.
- Créer du lien avec ce que vous connaissez déjà, soit en en parlant soit en l’écrivant.
- Échanger avec d’autres passionnés au sujet de ce que vous avez appris. N’hésitez pas à utiliser l’espace commentaire pour cela !
Mettre sa pratique en perspective en étudiant l’histoire des Arts Martiaux
Il arrive parfois qu’on lise un livre ou que l’on regarde une vidéo et que l’on ne crée pas de lien avec notre univers. Pour parer à ce problème j’aime beaucoup questionner ma pratique, ou ma discipline, par rapport à ce qu’an a dit l’intervenant.
Par exemple, au cours d’une de ses interviews Léo Tamaki m’a parlé de la dissociation qui est au cœur de sa pratique. Suite à cela je me suis demandé quelle était la place de la dissociation dans le Ju-jutsu Mushin Ryu puis dans ma façon d’aborder les Arts Martiaux dans leur globalité.
Bien entendu, le but n’est pas de transformer la façon dont vous allez vous entraîner, mais de nourrir votre idée de la discipline et de vous ouvrir parfois de nouvelles perspectives. Et, parfois, cela transformera totalement votre vision.
De façon concrète, j’essaie de prendre chaque point énoncé et d’en faire une rapide comparaison avec ma vision. Plus je sens qu’il y a des points “d’accroche” provoqués par des différences d’opinions et plus je passerai du temps à réfléchir sur ce point. Car, à mon opinion, pour réussir à former son propre point de vue sur une idée il faut être capable de la comprendre. Sans quoi cela reste une réaction épidermique injustifiée.
En agissant de cette façon, j’arrive à créer des liens entre de nombreuses disciplines (même des pratiques très différentes comme la musique, la danse, etc..) et ma propre pratique. C’est en ce sens que les Arts Martiaux dépassent le cadre de l’entraînement pour moi.
Où aller chercher ces connaissances sur l’histoire des Arts Martiaux
Les auteurs qui vous plaisent
Ce paragraphe s’adresse surtout à ceux qui souhaitent maintenant se plonger dans l’apprentissage à travers la lecture ou les interviews mais ne savent pas par où commencer.
Comme lors d’un stage, il faut que les paroles de l’auteur nous touchent. Si c’est quelqu’un qui vous semble antipathique, désagréable et avec qui vous ne semblez avoir aucune connivence, il risque d’être difficile pour vous de bien apprendre de lui (surtout s’il traite de théorie de la pratique).
Bien entendu, vous aurez peut-être accès à des livres ou des interviews de personnes qui vous sont inconnues ou que vous n’avez jamais pu rencontrer.
Mais, si vous ne savez pas par où débuter, mon premier conseil est souvent celui-ci. Prenez quelqu’un qui est proche de vous et pour qui vous avez du respect. Cela peut être votre enseignant, ou une personne que vous suivez régulièrement en stage. S’il n’est pas lui-même au cœur d’un projet, demandez-lui conseil. C’est exactement ce que j’ai fait avec Armand Valle lorsque j’ai voulu en apprendre plus. Et il m’a conseillé des livres, dont “Esprit zen, Esprit Neuf” qui porte notamment sur le Shoshin, dont vous pouvez retrouver la chronique martiale juste ici.
Vous pouvez également vous laisser conseiller par des magazines ou des pratiquants de qualité. Par exemple, le magazine Yashima propose régulièrement des livres très pertinents !
Le format vidéo / podcast
L’avantage de ce format est également sa plus grande faiblesse. Vous pouvez écouter une entrevue d’un maître d’Arts Martiaux en faisant autre chose. De ce fait, vous pouvez passer à côté car vous n’êtes pas concentré.
Cependant, si vous les écoutez plusieurs fois, cela peut pallier ce problème. Ainsi j’écoute régulièrement des interviews lors de mes déplacements ou de mes entraînements par exemple.
Vous pouvez bien entendu retrouver nos interviews régulières d’experts en Arts Martiaux et Sports de Combat sur notre chaîne YouTube.
Dans les chaînes contenant des interview et que nous suivons le plus il y a :
- Lionel Froidure
- Greggot
- Entretien avec un Guerrier (qui a interviewé Marvin, la classe !)
- Ronin Martial Production
- Discussions martiales (des discussions avec des pratiquants de différentes disciplines qui sont très enrichissantes)
Pour ne citer qu’eux.. nous savons qu’il y en a de nombreuses autres ! Notez votre préférée en commentaire. 🙂
Le format écrit
Contrairement aux interviews audio, les livres (ou blog et magazines) demandent plus de concentration. Même si aujourd’hui de plus en plus de livres existent au format audio.
Par contre, cela facilite le travail actif dont on parlait auparavant. Il est plus facile de prendre des notes ou de faire de courtes poses pour comparer ce que vous êtes en train de lire à votre pratique.
Pour vous aider à trouver du contenu qui puisse vous intéresser, nous avons lancé les chroniques martiales. Chaque mois, nous publierons une critique d’un livre (que les personnes abonnées à la newsletter ont choisi parmi une liste). On vous dira ce que vous pouvez en tirer pour votre pratique martiale. Voici un exemple
Mais il existe de nombreux blogs et sites de qualité qui permettent soit de choisir un livre, soit de vous donner directement de la lecture !
Cet article touche à sa fin, qu’est-ce que vous avez maintenant envie d’écouter ou lire pour progresser dans votre discipline ? Donnez-nous des pistes pour nos prochaines recherches en partageant vos lectures !
À très vite !
Cet article est corrigé par Henri-Pierre Juguet. Nous le remercions pour son travail de qualité. Si vous aussi vous souhaitez un bon relecteur/correcteur, voici son adresse mail : hpj.correction.redaction@gmail.com