L’épreuve du 4ème dan !

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Photos ile d'oleron

L’année dernière j’ai choisi de passer mon 4ème dan. Il s’agit bien d’un choix, d’une décision consciente que j’ai prise afin d’atteindre certains objectifs que je me suis fixés. 

Dans cet article je vais revenir sur plusieurs choses : 

  • pourquoi j’ai décidé de passer un grade
  • comment j’ai procédé (et quels problèmes j’ai rencontré)
  • ce que je retire de cette expérience 

Vous l’aurez compris, cet article va surtout parler de moi et ma propre expérience, c’est un témoignage. Cela ne veut pas dire que vous ne pourrez pas en tirer des éléments qui vous aideront dans votre propre progression. Voici quelques points qui pourront vous intéresser : 

  • comment vous entraîner seul
  • comment progresser entre deux séances
  • comment profiter d’objectifs pour progresser

Pourquoi passer un grade ?

La première question que l’on peut se poser est pourquoi ? Qu’est-ce qui m’a motivé à passer un 4ème dan ?

Et il y a plusieurs raisons à cela.

Avoir un objectif clair

Objectif de caméra

Vous le savez si vous nous lisez depuis un moment, avoir un objectif clair est un moyen simple d’améliorer votre motivation et votre implication. Le fait de se donner un objectif clairement défini dans le temps vous donne la possibilité de progresser et de vous améliorer. C’est aussi un atout pour vous donner le courage de dépasser les frictions qui vous empêcheraient d’aller à l’entraînement (dans mon cas 1h30 de trajet). 

Cet objectif était aussi important pour me permettre de garder le cap lorsque j’aurais pu m’éparpiller en allant pratiquer d’autres disciplines, ou lors de mes entraînements seuls. 

Bref, cela me permet de donner une direction à mon travail. Et en ayant des objectifs bien construits, cela me permet de toujours savoir quel est l’objectif de ma session de travail, et de ma période de travail. 

Si vous souhaitez travailler vos objectifs vous pouvez retrouver ces articles :

Être corrigé

V de validation

Lorsqu’on présente un grade c’est toujours le moyen d’avoir un avis critique de ses pairs. Dans le milieu scientifique, c’est extrêmement important que les théories que l’on forme soient validées par d’autres personnes du même niveau et milieu. Pour moi, il en va de même dans la pratique.

Bien entendu, c’est aussi le cas lors d’entraînement, lorsque vous allez recevoir des conseils de personnes d’un niveau supérieur, mais cela n’a pas le même impact lorsque ces mêmes personnes sont au jury. Il y a plusieurs cause à cela : 

  • au jury elles doivent donner un verdict, c’est une technique d’un niveau suffisant ou insuffisant
  • après le résultat on peut prendre le temps de discuter et d’avoir des conseils pour la direction que doit prendre le travail. 

La correction est ce qui permet le plus de progresser. En passant un grade je me suis donné la chance d’avoir une correction précise. Cela avait d’autant plus d’importance pour moi que je suis en pleine recherche (à travers ce blog, les stages que je suis, etc.,..) et que c’était aussi un moyen de montrer l’avancée de ma recherche et d’avoir un avis critique sur celle-ci. 

C’est l’aspect qui m’a le plus motivé, cela a vraiment été le moteur de cette démarche. 

L’impact psychologique

Je voudrais commencer par vous raconter une histoire. Il y a quelque temps, un élève d’un club voulait m’inviter à faire un stage dans son club, le type de projet qui m’emballe toujours beaucoup. Mais son enseignant a refusé car je n’étais que 3ème dan. C’est une des raisons qui m’a motivé à présenter ce grade.

Le 4ème dan a un impact psychologique lorsqu’il s’agit d’échanger avec d’autres disciplines car dans de nombreuses écoles il s’agit du dernier grade où l’on évalue le niveau technique. Cependant, c’est quelque chose de faussé, certaines écoles demandent une évaluation technique jusqu’au dernier niveau (ce qui est le cas de la mienne qui va jusqu’au 6ème).

Cet aspect arrive en dernier, mais il existe tout de même et comme je souhaite être honnête avec vous, il me semblait intéressant de le signaler. Je vais tâcher de vous proposer de plus en plus de stages, et si vous souhaitez que je me déplace dans votre dojo, n’hésitez pas à entrer en contact par mail ou par commentaire de cet article.

Comment je me suis entraîné

Une des questions que mes proches me posent le plus c’est : comment fais-tu pour t’entraîner ? Tu n’as pas de partenaires proches qui ont ton gabarit et ton niveau. Certes Anne a un niveau correct, mais d’un point de vue gabarit c’est plus difficile pour elle de subir certains de mes mouvements. 

Dans cette partie je vous livre les piliers de ma méthode. Je vais essayer de vous faire quelques vidéos d’exercices spécifiques à propos de certains mouvements ou certaines problématiques. Vous pourrez les retrouver sur notre chaîne YouTube, juste ici.

L’importance de la visualisation

La visualisation est un exercice clé de la préparation d’un pratiquant d’Arts Martiaux, ou même des sportifs dans leur ensemble.

Elle présente de nombreux avantages : 

  • on peut la faire seul
  • on n’a besoin d’aucun matériel
  • on se met en situation de réussite (ce qui n’arrive pas toujours comme le prouve cet cette photo)
Photo avec un cocard

Cependant il est très important de la différencier de l’imagination. La visualisation consiste à vivre en pensée le mouvement. Imaginer, c’est simplement se faire une idée de quelque chose, alors que visualiser consiste à ressentir l’ensemble des sensations qui sont liées à cette action. Ce qui signifie que vous ne pouvez pas visualiser quelque chose que vous n’avez pas assez expérimenté.

Prenons un exemple. Si je vous demande d’imaginer un parfum de glace que vous ne connaissez pas du tout, et que je vous le décris. Par exemple, je vous parle d’un parfum de glace au coquelicot et je vous dis que c’est un peu acide comme le citron, mais aussi assez sucré. Vous n’aurez aucune sensation, vous imaginerez ce que cela peut produire. 

Que s’est-il passé dans votre corps ?
Maintenant si je vous demande de vous visualiser en train de manger votre glace préférée. Vous êtes chez vous, et vous vous visualisez en train de manger. Vous ressentez la texture qu’elle a sur votre langue, sa fraîcheur, son goût. Mais vous ressentez également le contexte, peut-être que vous êtes installé en extérieur avec le vent chaud qui vous caresse le visage, que vous avez le bruit de personnes qui discutent avec vous. Vous avez aussi l’odeur du jardin qui chatouille vos narines et le soleil qui vous éblouit un peu. Bref, vous êtes totalement capable de visualiser la situation. 

Et maintenant, comment votre corps a-t-il réagi ? 

Je suis prêt à parier que dans le premier cas vous n’avez eu que très peu de réactions du corps alors que dans second cas (si vous aimez la glace) vous avez certainement sécrété de la salive, vous avez pris une posture plus détendue et vous avez peut-être même souri. Si c’est ce qui s’est passé, vous venez d’expérimenter la différence entre la visualisation et l’imagination.

Pour pouvoir m’entraîner entre chaque séance j’utilisais la visualisation. Cela m’a vraiment beaucoup aidé. Bien entendu, le travail avec un partenaire est nécessaire, mais la visualisation est un moyen de renforcer ce travail et de dépasser certains blocages. C’est aussi un moyen de prolonger l’apprentissage fait en club.

L’utilisation des notes

Le carnet de notes est vraiment un outil formidable. Il améliore votre mémorisation et vous permet de revenir sur ce que vous avez fait pour vous permettre de progresser bien plus rapidement. 

Encore faut-il relire ses notes. Par exemple, tous les mois je consultais mes notes et je voyais les conseils que j’avais reçus, puis je voyais comment je pouvais travailler dessus dans mes prochaines sessions.

Cela permet également d’analyser sa progression et de rester motivé.

L’innovation pour progresser

Je vais prendre un exemple concret afin d’illustrer mon propos. Lors d’un cours je me rends compte que mon kata guruma (technique qui consiste à faire passer le partenaire par dessus ses épaules) ne me procure pas de sensations correctes. C’est une technique qui est plus anecdotique dans notre école, cela faisait un moment que je ne l’avais pas travaillée avec un partenaire qui me permettait de l’appliquer sans retenue et j’étais déstabilisé lors de ce mouvement. Pour être certain que je n’étais pas seulement dans un mauvais jour, j’ai recommencé lors de la séance suivante. Même résultat. J’ai donc commencé par chercher quel était le principe qui me posait problème, j’ai compris que c’était un problème de timing mêlé au déséquilibre, qui me forçait à porter mon partenaire au lieu de le faire basculer autour de mes épaules. J’ai ensuite cherché à travailler cette notion avec un manche à balai, qui était léger mais me permettait de bien ressentir la notion du déséquilibre. Une fois que cela me semblait bon, j’ai fait la même chose avec une barre de musculation. Lorsque je n’ai plus senti le besoin de forcer lors de sa manipulation j’ai pensé que j’avais cerné les principes. La séance suivant mon kata guruma ne me posait plus de problèmes. Bien entendu j’ai encore des choses à travailler en vue d’améliorer cette technique, et j’en aurai toujours, mais j’avais résolu le problème en innovant avec l’exercice (qui est peut-être utilisé par d’autres, mais je ne le connaissais pas avant).

En utilisant mes prises de notes et grâce à mon esprit inventif, j’ai pu trouver de nombreux exercices pour progresser. Mais j’ai toujours procédé de la même manière, c’est-à-dire : 

  • analyser ce qui me pose vraiment problème, quel est le principe qui est mis à mal
  • trouver une méthode afin de  travailler ce principe seul (et l’utiliser)
  • travailler à nouveau avec un partenaire pour être certain d’avancer dans la bonne direction
  • travailler ce principe dans d’autres circonstances pour être sûr que j’améliore l’ensemble de ma pratique

Se contrôler (se vérifier)

Lorsqu’on s’entraîne seul, on est forcé de vérifier que l’on travaille dans la bonne direction. 

Femme qui filme

Pour cela, mon meilleur outil a été la caméra. Grâce à elle je pouvais m’observer depuis un point de vue neutre. 

Je vous invite vivement à vous filmer régulièrement et pendant une longue durée. De cette façon vous allez oublier la caméra et pratiquer sans vous en soucier. Par contre, je pense qu’il est nécessaire de vous observer à des moments précis. Je cible personnellement les moments où je me suis senti bien et les moments où je me suis senti en difficulté. 

Par exemple, lorsque je m’entraîne de façon intense et que je n’ai plus d’énergie, j’ai remarqué grâce à la caméra que dans le but de gagner du temps dans mes esquives, je mets la tête légèrement en avant et que je travaille avec un retrait du buste plutôt qu’avec des déplacements. J’ai aussi pu voir que lorsque je suis en pleine forme je suis plutôt rapide mais que je fais un appel du pied lors de ma première frappe. 

Ce sont ces petits détails qui  m’ont permis de faire évoluer ma pratique.

Je définis également des critères d’évaluation pour me contrôler lors de la pratique. Par exemple : 

  • faire le mouvement en tant de secondes
  • ne pas être déséquilibré
  • ne pas utiliser la force mais un bon placement

En utilisant ces critères vous pourrez observer (physiquement) votre progression, mais aussi les moments où vous n’arrivez pas au résultat souhaité, ce qui vous permet d’ajuster votre pratique rapidement. 

Ce que je retire de mon 4ème dan

Qu’est-ce que ce passage de grade m’a apporté ? Qu’est-ce que je retire de cette expérience ? Tout d’abord une super récompense, d’un week-end à manger des huîtres aux alentours de l’île d’Oléron (miam) ! Mais, est-ce tout ?

Photos ile d'oleron

Rien de spécial

Lorsque j’ai débuté le Ju-jutsu Mushin Ryu, le 4ème dan me semblait être quelque chose d’inatteignable, un pic sur lequel je ne pourrai jamais me tenir. Et aujourd’hui ce n’est rien de spécial, comme l’explique Shunryu Suzuki dans son livre, Esprit Zen, Esprit neuf. J’ai d’ailleurs fait un article sur ce livre que vous pouvez retrouver ici.

“Rien de spécial. Si vous continuez chaque jour cette simple pratique, vous obtiendrez une puissance merveilleuse. Avant d’être atteinte, c’est quelque chose de merveilleux, mais, une fois atteinte, ce n’est rien de spécial.”

Esprit zen, Esprit neuf, de Shunryu Suzuki, p.63

Prenons un exemple sur un sujet différent pour illustrer mon sentiment. Imaginez un gros tas de terre devant votre domicile qu’il faudrait déplacer. Si vous déplacez une brouette par jour, cela vous coûtera peu d’énergie car cela sera à la fois une tâche simple, étalée dans le temps, et régulière. Lorsque vous aurez terminé vous n’aurez pas l’impression d’avoir fait quelque chose de spécial. Alors que si vous décidez de tout déplacer en une seule fois, cela va être quelque chose qui change de votre ordinaire, vous allez faire quelque chose de spécial.

Est-ce quelque chose de positif cette sensation de ne rien faire de spécial ? 

Je dirai que oui, parce que la constance et la régularité sont très importantes dans la pratique, le fameux Fudoshin. Cela aurait été quelque chose d’extraordinaire si cela avait changé mes habitudes de pratique mais ce n’est pas le cas, j’ai gardé les mêmes habitudes, je les ai seulement adaptées à mon nouvel environnement. 

L’autre notion développée par cette idée de “rien de spécial” est la progressivité. Lorsque vous vous entraînez régulièrement, que vous vous dirigez chaque jour vers votre objectif, l’atteindre n’est rien de spécial. Vous avez fait le trajet au fur et à mesure, cela n’est pas comme si on vous avait déplacé avec un élément vous permettant d’accélérer. Lorsque vous faites une randonnée et que vous souhaitez atteindre une destination éloignée, cela peut vous sembler inatteignable. Mais, en marchant régulièrement, vous atteindrez votre destination en n’ayant rien fait de spécial. Pourtant, il s’agit bien d’une destination qui vous semblait complexe à atteindre, mais en ayant dépassé chaque problème petit à petit vous avez réussi. Alors que si on vous emmène directement sur place en véhicule (ce qui prendrait peut-être une heure au lieu de plusieurs heures de randonnée), vous aurez la sensation que c’est quelque chose de totalement extraordinaire. Vous n’aurez pas eu le temps de vous habituer au paysage / à l’environnement. 

Mieux me connaître

En étant évalué et corrigé, cela me permet de mieux savoir où je me situe. Je comprends mieux mes défauts mais aussi mes points forts. 

Se confronter au regard des autres, écouter les avis et les jugements, c’est un excellent moyen d’assimiler la façon dont les autres nous voient. On imagine toujours donner une certaine image. Pourtant, ce n’est pas toujours ainsi que les autres peuvent vous percevoir. Le fait d’analyser cette différence et de comprendre pourquoi notre image n’est pas nécessairement en accord avec ce que nous souhaitons transmettre est très important.

Cela permet aussi d’analyser le travail qu’il me reste à accomplir, la direction vers laquelle je dois me diriger. En exposant ma pratique et ma recherche, j’ai pu obtenir des conseils sur celle-ci et je vais pouvoir l’améliorer.

Bien entendu, tous ces conseils je les reçois même sans le passage de grade, mais celui-ci donne un moment propice pour les distribuer et les recevoir.

Cet article touche à sa fin. Comme d’habitude, si vous l’avez trouvé intéressant, n’hésitez pas à le partager sur vos réseaux sociaux. 

À très vite ! 

Cet article est corrigé par Henri-Pierre Juguet. Nous le remercions pour son travail de qualité. Si vous aussi vous souhaitez un bon relecteur/correcteur, voici son adresse mail :  hpj.correction.redaction@gmail.com

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