Nous continuons notre étude des 5 états d’esprit des arts martiaux japonais. Fudoshin, l’esprit immuable, est peut-être celui qui semble le plus difficile à expliquer.
Cet article s’inscrit dans une série de 5 articles qui traitent les 5 états d’esprit que cherchent tous les combattants. Ce sont shoshin (l’esprit du débutant), fudoshin (l’esprit immuable), zanshin (l’esprit persistant), mushin (l’esprit vide) et senshin (l’esprit éveillé/purifié). Si à la base ces termes ont une connotation religieuse fortement marquée, nous ne les utilisons pas dans ce sens. Il faut voir ces états d’esprit comme des étapes mentales qui ont pour but d’atteindre l’état de fluidité définit par Mihály Csíkszentmihályi. Cet état permet d’utiliser nos compétences physiques et techniques de façon optimale.
Comme pour les autres, nous étudions ici le terme japonais, mais le concept est utile dans tous les arts martiaux et sports de combat.
Fudoshin, l’esprit immuable
La traduction exacte de fudoshin est l’esprit immuable, qui ne peut pas changer. Pour que l’idée qu’il symbolise soit bien claire, j’aime bien utiliser l’esprit imperturbable, même si ce n’est pas tout à fait la même chose. J’entends par là que votre esprit doit conserver son idée et ne pas être changé par des sollicitations qui lui sont extérieures et sur lequel il n’a pas prise.
C’est d’ailleurs un des points sur lequel on travaille en préparation mentale pour renforcer la concentration d’un sportif ou dans notre quotidien.
Fudoshin, c’est le fait de ne pas être dérangé de sa voie quoiqu’il se passe. C’est fudoshin qui évite le doute lorsqu’on n’en a pas besoin. Il complète shoshin, l’esprit du débutant, qui permet de toujours se remettre en question. Cliquez sur le lien pour lire l’article si vous ne l’avez pas encore fait.
Fudoshin, celui qu’on ne peut déranger en combat
Dans « Le traité des 5 roues » de Miyamoto Musashi, dont je parle dans l’article « Les trois livres qui ont changé ma vie de combattant » il est souvent question de ruse. On peut jeter la terre aux yeux de l’adversaire par exemple.
Fudoshin permet de lutter contre ces ruses, de se sentir moins désorienté. Par exemple, on ne se fera pas avoir par un “Attention, derrière toi”. C’est grâce à cet état d’esprit qu’on ne relâche pas son zanshin, esprit persistant ou vigilant.
Fudoshin est ce qui permet d’être stable, de ne pas perdre de temps à s’accrocher à des détails insignifiants. C’est quelque chose de très important dans notre pratique. J’entends souvent des grands combattants dire qu’il ne faut pas regarder le combattant, seulement sa forme de corps. Pour moi c’est fudoshin qui permet de trouver ce juste milieu.
La confiance en soi
Fudoshin permet de renforcer la confiance que l’on a dans nos propres capacités. Il nous donne le courage de croire en nous. C’est donc lui qui nous donne la capacité d’agir.
Si les personnes n’agissent pas lorsqu’il y en a besoin, c’est souvent par manque de confiance en elles. Par exemple, lorsqu’une jeune fille qui se fait importuner dans le métro tout le monde détourne les yeux, tout simplement parce que les spectateurs ne se sentent pas capables d’agir. Par contre si une personne agit, alors d’autres vont se mettre à intervenir, car ils n’ont plus la responsabilité de l’action entre leurs mains. Fudoshin nous permet de croire suffisamment en nous pour nous permettre d’agir.
Dans un combat, la confiance en soi est primordiale. C’est d’ailleurs pour ébranler cette confiance que les combattants ont parfois une joute verbale avant de s’affronter. C’est également très important dans le cas d’une agression. Les personnes qui se font agresser ont souvent montré des signes de faiblesse. Par exemple, le fait de marcher les yeux baissés, courbé, avec de petits pas montre un manque de confiance. Fudoshin vous permet de réussir à trouver une stabilité et éviter certains ennuis.
Persévérer dans sa voie
On débute avec la motivation, on perdure grâce à l’habitude !
Je sais que j’en ai déjà parlé, mais un enseignement sérieux, quel qu’il soit, est une méthode complète et complexe. Autrement dit, il n’est pas perceptible en quelques mois, il faut du temps pour réussir à en comprendre les rouages.
Mais cette durée peut être difficile pour certains. Il faut persévérer dans une voie qui peut être longue et dans laquelle nous n’avançons pas tous à la même vitesse. Parfois on se décourage, on pense que l’herbe est plus verte ailleurs.
Par exemple, un pratiquant de chi gong pourrait se dire “je ne sais pas si c’est efficace dans la rue” et remettre en question tout ce qu’il pratique. Mais la vraie question est : “Est-ce que je veux faire quelque chose qui a pour vocation de la self-défense ?”. Et après je vois si ce que je fais correspond à mes attentes. Il arrive que ce que l’on fait correspond à nos attentes, que l’on aime pratiquer, mais qu’une lassitude s’installe. C’est fudoshin qui fait que l’on continue à pratiquer pour dépasser ce stade !
Si vous pensez avoir perdu votre motivation nous avons écrit un article sur comment retrouver votre motivation quand tout va de travers, n’hésitez pas à nous dire ce que vous en pensez. =D
Je pense qu’il faut être honnête avec soi-même, et voir si ce que l’on fait nous convient. Si c’est le cas, il faut continuer à pratiquer malgré la lassitude, et éventuellement faire une petite pause pour retrouver du plaisir à pratiquer. Et ce qui fait que vous allez vous entraîner, même lorsque vous êtes fatigué, c’est fudoshin. C’est votre esprit immuable qui vous met un coup de pied aux fesses et qui vous pousse à progresser.
Fudoshin, à quoi ça nous sert ?
Fudoshin peut avoir plusieurs façons de nous permettre d’être un meilleur combattant.
Comment garder le contrôle en situation de stress
Fudoshin va vous permettre de rester sûr de vous en situation de stress. Que cela soit en self-défense ou en compétition. Il arrive que sous pression nous fassions n’importe quoi, ou pire nous ne faisions plus rien du tout. Fudoshin peut vous permettre d’éviter ce problème ou de le limiter.
Jérôme Huon parle très bien de la déstabilisation que l’on peut ressentir si l’on n’ est pas prêt mentalement. C’est à 1h 06 dans ce podcast je vous conseille vivement d’écouter ce passage d’une dizaine de minutes. Pourtant c’est lors d’un combat au plus haut niveau international. Comme quoi cela peut arriver même aux plus grands athlètes.
C’est la même chose dans la vie de tous les jours. Cela va vous aider à mieux gérer vos examens, ou une tension au travail. Si vous perdez confiance dès que vous êtes face à un stress et que vous baissez les bras cela risque d’être très difficile de réussir à surmonter ces épreuves.
Sans fudoshin, pas de progression
Fudoshin, c’est ce qui fait que vous restez constant dans votre entraînement. Le fait de ne pas abandonner même lorsque cela semble impossible.
Pour moi l’image la plus forte de cette facette de fudoshin, ce sont les sportifs handicapés. Il semblait qu’ils ne pouvaient plus pratiquer ? Ils se retrouvent à faire des performances qui pourraient faire pâlir nombre d’entre nous. Pourquoi ? Ils ont eu la volonté de s’entraîner, elle ne s’est pas évaporée lors de l’apparition de leur handicap.
Sans fudoshin on abandonne à la première défaite, on baisse les bras dès que l’on échoue. C’est normal d’être frustré, de se sentir triste, mais c’est fudoshin qui fait que dès le lendemain vous êtes en tenue, prêt à résoudre vos problèmes !
Ce problème vient souvent du fait que l’on n’accepte pas notre erreur, alors qu’en fait c’est plutôt quelque chose de positif. Si vous souhaitez en savoir plus nous vous conseillons de lire notre article “L’erreur, une marque positive de notre progression”. Vous y trouverez des astuces pour vous appuyer sur vos erreurs afin de vous aider à progresser.
Fudoshin vous fait progresser plus vite
Fudoshin, cela va vous permettre d’être bien plus performant. C’est comme lorsque vous écrivez quelque chose par exemple. Si vous êtes en train de discuter, vous allez être beaucoup moins attentif et prendre beaucoup plus de temps. Cela va aussi vous faire faire des fautes d’orthographe.
C’est la même chose dans les arts martiaux et les sports de combat ! Si vous regardez ce qui se passe à côté vous risquez de prendre un coup, ou de mal travailler et de limiter votre progression. Le fait d’être pleinement concentré va vous permettre de progresser bien plus vite !
De même, si vous pratiquez plusieurs disciplines, c’est fudoshin qui va vous permettre de tirer le meilleur parti de chacune d’entre elles pour vous construire. L’erreur de beaucoup de pratiquants, c’est de vouloir faire un mélange plutôt que de réussir à seulement intégrer des éléments externes à notre propre pratique.
Par exemple, le maître fondateur de Yoseikan budo, Hiroo Mochizuki, a commencé par plusieurs arts martiaux, notamment l’aïkido. Mais il n’y avait pas de style de percussion. Plus tard il a appris le karaté et la boxe afin d’approfondir son art et se développer lui-même. Mais pour cela il faut pratiquer sincèrement, c’est-à-dire qu’il a pratiqué du karaté et de la boxe avec l’envie de vraiment progresser dans ces styles. Si vous voulez en savoir plus, on vous met cette interview.
Si fudoshin était un élément il serait la terre. Il est la stabilité, toujours égal à lui même.
Si cet article vous a intéressé je pense que vous devriez lire l’article « La préparation mentale pour les Arts Martiaux et les Sports de Combat« , pour mieux comprendre le rôle de la préparation mentale et ses objectifs.
Cet article vous a plu ? Pensez à partager si vous pensez qu’il peut intéresser vos amis. N’hésitez pas à visiter d’autres articles pour pouvoir continuer à vous entraîner même chez vous !
A très vite !