Vous est-il déjà arrivé d’être frustré par une erreur ? Parce que moi oui, souvent ! Parfois c’est une erreur assez bête, comme une faute d’inattention dans une copie, et parfois c’est tout simplement une erreur de fond, comme si je ne savais plus écrire un mot. Ce que cela peut être frustrant ! On va essayer de changer un peu cette vision de l’erreur.
En France on a tendance à voir l’erreur comme quelque chose de grave. Mais si au contraire l’erreur pouvait être vue comme une chance ?
Pour quelle raison ? C’est ce qu’on va voir dans cet article ! 🙂
Souvent, lorsque je dis à un élève tu as fait cette erreur, il le voit comme un reproche, comme si quelque chose de grave venait de se passer. Et à partir de ce moment il a deux possibilités, soit il reste braqué sur son erreur et il risque de ralentir sa progression, soit il choisit de la voir comme une façon de progresser. Eh oui, cela est possible.
D’ailleurs si vous voulez savoir l’erreur que j’ai faite devant Léo Tamaki et Kunimasa Matsuba, lisez cet article !
L’erreur, pourquoi est-ce mal vu ?
L’ego
Je me souviendrai toujours d’une phrase que sensei Philippe Léon, mon professeur d’aïkido, m’a dit un jour à la fin d’un entraînement .
« Dans les arts martiaux,lorsque la tête devient
plus large que les hanches on ne progresse plus ».
On parlait des personnes qui refusent l’erreur. Dire qu’ils ont fait une erreur revient pour eux à les attaquer personnellement.
L’ego est votre pire ennemi dans les arts martiaux et dans les sports de combat. Il vous empêche d’être relâché, aussi bien physiquement que mentalement. Si je suis persuadé d’être le meilleur, que ce que je fais est ce qu’il y a de mieux, comment puis-je apprendre et continuer à progresser ?
Une métaphore zen illustre très bien cela. Un jeune moine arrive auprès d’un maître et lui demande s’il peut suivre son enseignement. Il motive sa demande avec tous les savoirs qu’il a déjà acquis. Le maître lui sert une tasse de thé. Le jeune moine continu de parler, tandis que le vieux maître continu de verser. La tasse déborde et le contenu se déverse sur la table en bambou. Le jeune moine panique :
“Maître ! La tasse est pleine !”
Le maître lui dit alors :
“Tu es comme cette tasse, tu es déjà plein et sûr de toi,
comment pourrais-je y ajouter quelque chose ?”
Il en va exactement de même dans les arts martiaux et dans les sports de combat (comme dans tous les domaines). Il faut être sûr de soi, avoir confiance en ses capacités, et lorsqu’on combat aucun doute ne doit venir effleurer notre esprit. Mais, lorsque vous vous entraînez, il faut être critique envers vous-même si vous souhaitez progresser. Attention je ne parle pas ici de prendre 5 minutes pour vous questionner, mais si vous sentez un déséquilibre à la fin de votre projection c’est qu’il y a une erreur, répétez jusqu’à ce qu’elle disparaisse. L’erreur est un moyen de vous montrer la voie dans laquelle vous pouvez progresser.
Le perfectionnisme
Il va souvent de pair avec l’ego. On veut que tout soit parfait, du coup tout ce qui n’est pas nickel doit être caché. Ce sont deux grosses erreurs. Car la perfection n’existe pas en arts martiaux. Et vous pouvez très bien faire un mouvement qui s’en rapproche et la fois d’après faire quelque chose de très mauvais. Ce qui est bon en arts martiaux est quelque chose de fluctuant, ce qui est une bonne réaction à l’instant T ne l’est plus à l’instant d’après.
Prenons un exemple simple. Je combats contre un partenaire en boxe anglaise. Je vois une ouverture sur le flanc, je lui mets un excellent crochet, il tombe K.O. Mais si je lui mets après une demi-seconde d’hésitation, c’est moi qui prends un contre car mon crochet sera plus lent et moins efficace qu’un direct !
Ce que je veux dire c’est que chaque personne, chaque instant possède une excellence qui lui est propre. Il est donc difficile d’avoir quelque chose auquel se réfère. Mon maître, Armand Valle, m’a dit un jour :
« Il y a autant de ju-jutsu mushinryu que de pratiquants, et pourtant aucun
n’est faux, car ils font tous du ju-jutsu mushin ryu. La technique est la même,
l’état d’esprit est le même, la forme de corps est la même,
mais chacun l’adapte à ses capacités naturelles ».
Chercher à être parfait, c’est chercher à ressembler à quelqu’un que l’on idéalise et donc s’éloigner peut-être de l’excellence. Bien sûr que les maîtres nous servent de référents, mais ne pas accepter de faire des erreurs, c’est en commettre une plus grave : fuir l’erreur.
Et il faut bien se dire que tout le monde peut faire des erreurs. Je me souviens d’un cours qui était donné par un de mes collègues. Il montre une technique à une quinzaine d’élèves présents, et bien assidus, ils filent travailler. Et là on remarque qu’ils font tous la même erreur. Devinez qui avait fait cette erreur ? Ehh oui, le professeur s’était trompé en montrant la technique ! Même le sensei peut se tromper, et je pense que c’est très bien pédagogiquement que les élèves le sachent !
Éviter les blessures
Parfois l’erreur peut-être volontaire, et pédagogiquement intéressante. Je pense qu’il est bien (donnez-moi votre avis en commentaire), de ne pas terminer en cassant le bras à chaque clé que l’on fait. Ou encore qu’il est intéressant de relâcher une projection plus tôt que prévu si cela permet à mon partenaire de ne pas se blesser dans la chute (surtout s’il est débutant, pour les autres pas de pitié !). :p
Pourquoi l’erreur est-elle constructive ?
On apprend de ses erreurs
On attribue à plusieurs maîtres et surtout à Nelson Mandela la réplique suivante :
« Je ne perds jamais. Soit je gagne,
soit j’apprends. »
Autrement dit, l’erreur est possible et nous permet de nous rendre compte d’une éventuelle faiblesse. Elle nous permet de nous améliorer sur ce point faible. Refuser l’erreur c’est comme refuser de progresser. On ne peut avancer qu’en faisant ce que l’on ne sait pas faire !
L’erreur nous aide à nous construire
C’est parce que je sens que je suis en déséquilibre que je vais changer ma position. Par exemple, si lors d’un balayage je me sens entraîné vers l’avant, je vais pouvoir corriger ma posture et mon mouvement. Si je ne sens pas le déséquilibre, je ne vais pas transformer mon mouvement. Transformez chaque erreur dans une opportunité d’évoluer.
Prenons un exemple simple. Je boxe régulièrement contre un partenaire qui ne voit pas que je crée souvent une ouverture sur la gauche avant de frapper de ma jambe arrière. Il n’en profite donc pas pour me contrer. Le jour où j’affronte quelqu’un qui le remarque, je comprends mon erreur et je vais devoir évoluer avec celle-ci. Soit j’en profite pour le feinter, soit je change d’habitude.
L’erreur, c’est ce qui nous oblige à changer. Donc elle est constructive !
L’erreur sera permanente
Je sais que pour beaucoup de personnes cela va être difficile à entendre, mais on fera toujours des erreurs. Par exemple un musicien, aussi bon qu’il soit, pourra toujours faire une fausse note ou une erreur rythmique à un moment donné. C’est exactement pareil avec nous.
Mais hormis ces erreurs techniques, il y a des erreurs qui sont provoquées par notre propre évolution. Eh oui, lorsque José s’est mis au sport il pesait 80 kilos, il avait du surpoids et il a appris à gérer ses techniques avec ce corps. Il est devenu très bon. Mais voilà, en quelques mois il perd 10 kilos. Il va commettre de nombreuses erreurs au début. Par exemple, il pensera que son poids est suffisant pour faire basculer son adversaire alors que ce n’est plus le cas.
Un autre facteur qui fait que l’on peut commettre des erreurs est l’âge. Il me semble que vous allez prendre de l’âge (un jour je vous donnerai le secret pour obtenir la jeunesse éternelle, si vous êtes suffisamment sages 😉 ). Et bien il va falloir vous habituer à progresser avec ce corps qui se transforme !
Enfin, lorsque vous progressez, vous avez des erreurs que vous ne faisiez pas qui apparaissent… Non, je rigole. Elles ont toujours été présentes, seulement vous n’étiez pas assez bons pour le remarquer !
J’entends souvent des élèves me dire « Mais pourquoi je fais ça ? Avant je ne le faisais pas ! ». Je dois leur expliquer qu’ils l’ont toujours fait, mais qu’avant, ils étaient trop mauvais pour voir qu’ils faisaient une erreur. ;p
C’est pour cela que lorsqu’on remarque à quel point nous sommes mauvais, nous sommes en train de progresser. Sauf si vous avez arrêté l’entraînement pendant une longue période, mais ça c’est un autre problème.
Comment agir lorsqu’on repère une erreur ?
C’et bien beau tout ça, mais lorsqu’on voit une erreur, qu’est-ce que l’on doit faire en tant que pratiquant, partenaire ou enseignant ?
Avant toute chose, je dirais qu’il ne faut surtout pas griller les étapes. Je vais essayer d’expliquer cela simplement. Les erreurs peuvent avoir de nombreuses causes et de nombreux effets. Il faut réussir à cerner l’ordre de priorité et les régler dans cet ordre-là.
Lors de ma formation d’enseignant Armand Valle m’a demandé de le suivre lors de sa correction des élèves. Il ne corrigeait pas du tout la technique, il corrigeait les déplacements. Et lorsque j’en ai parlé avec lui il m’a répondu simplement « du moment qu’ils se déplacent mal, ils se font couper par l’attaque au couteau et la technique n’a plus de sens ». Il faut garder une logique de progression dans la correction des erreurs.
Il faut aussi savoir que ce qui n’est pas une erreur pour une personne qui a 6 mois d’expérience peut en être une pour quelqu’un qui a 10 ans d’ancienneté. Que le débutant perde un peu l’équilibre à la fin d’une projection qu’il a bien réalisée, ce n’est pas grave du tout, mais celui qui s’entraîne depuis une décennie devrait régler ce problème !
Ne rien faire
Comme on l’a vu, l’erreur est bénéfique. Si l’erreur n’est pas dangereuse (si elle l’était elle devrait être corrigée au plus vite), alors on peut laisser l’élève ou le partenaire se tromper.
Je vois souvent l’erreur qui consiste à vouloir supprimer toute erreur, que cela soit de la part du professeur ou d’un partenaire plus expérimenté. Le partenaire, ceinture noire, explique au débutant le mouvement pas à pas. Au final le débutant n’est plus qu’une marionnette et n’agit pas vraiment. Il va beaucoup moins progresser. Il faut laisser le temps à l’élève de faire l’erreur, sans le laisser s’y installer. Et petit à petit, détail par détail, on le fait évoluer.
Le fait de vouloir corriger à chaque fois chaque erreur l’empêche de faire le mouvement naturellement, il ne s’entraîne donc pas vraiment ! Il faut simplement être patient. =)
Faire sentir la technique à son partenaire
La première méthode à appliquer lorsqu’on remarque une erreur est de la faire sentir, ou plutôt ressentir. Comme ça notre partenaire en prend conscience. Les pratiquants ne se rendent souvent même pas compte de leur erreur, parce qu’ils ne ressentent pas le problème.
Par exemple, lorsque mon partenaire fait un balayage, il se penche en arrière. Si je le pousse à ce moment-là il peut tomber. Lorsque j’ai repéré son erreur, je peux la lui faire ressentir en le poussant légèrement. Le but n’est pas de l’empêcher de travailler à chaque fois, mais de lui faire sentir en lui disant gentiment qu’il a fait une erreur à ce moment précis.
Appeler le coach
Vous pouvez simplement appeler votre professeur en lui expliquant que votre sensation est étrange, que vous soyez le pratiquant ou le partenaire.
Il va avoir plusieurs fonctions. Tout d’abord il a plus d’expérience et il pourra vous guider. Ensuite, il sait si cette erreur est importante ou pas. Enfin, il a un œil extérieur à la technique, ce qui peut permettre de voir les choses différemment.
Et certaines personnes sont plus aptes à écouter les conseils du professeur plutôt que d’un autre pratiquant.
Le dire directement
Ce point précis est à manipuler avec extrêmement de précaution. Surtout pour les personnes qui pratiquent la discipline depuis un moment. Il m’arrive de voir des pratiquants qui discutent au lieu de travailler. Ils ne parlent pas chiffons, mais ils théorisent au lieu de progresser.
Dire à quelqu’un, “Attention tu fais telle erreur.” ce n’est pas faire toute une théorie du pourquoi et du comment il fait cette erreur. C’est dans la pratique qu’il trouvera la solution.
Se focaliser sur cette erreur
Lorsqu’on a repéré une erreur que l’on fait, on peut essayer de se focaliser dessus pour ne plus la faire. Ce n’est pas toujours la bonne solution, mais cela peut corriger certaines fautes.
Par exemple si je mets mes fesses en arrière lors de mes frappes (antéversion du bassin) je peux m’entraîner en me focalisant sur une rétroversion du bassin en contractant la sangle abdominale. Pour le travailler chez vous, je vous conseille cet article avec une vidéo sur le gainage.
Accélérer et répéter
On peut aussi faire l’opposé, et ne pas se préoccuper outre mesure de notre erreur. Je tombe après ma projection ? Je vais la répéter encore et encore et à force mon corps va corriger cette erreur, parce qu’il va ressentir le déséquilibre avec plus d’intensité et va chercher à se stabiliser.
Attention, cette solution n’est pas forcément valable pour toutes les erreurs, et surtout elle n’est pas valable avec les erreurs qui peuvent provoquer une blessure plus ou moins grave.
Se filmer et s’observer
On a remarqué que vous faisiez un appel avant de frapper du bras avant. Entraînez-vous et filmez certains de vos entraînements. Regardez si à la longue vous voyez une évolution !
Voilà, vous savez maintenant que l’erreur n’est pas un droit, mais un devoir. Si vous ne faites pas d’erreur, vous ne faites que ce que vous maîtrisez donc vous n’êtes pas en train de progresser.
Si cet article vous a plu, je pense que l’article Sortir de sa zone de confort, comment et pourquoi le faire ? devrait vous intéresser aussi. N’hésitez pas à aller le (re)lire.
Si vous avez des questions, vous pouvez les laisser en commentaire, ce sera avec grand plaisir que nous y répondrons. Merci à ceux qui nous soutiennent avec des likes et des partages sur les réseaux sociaux, cela nous aide énormément ! 🙂
Intéressant ton article 🙂 je suis d’accord avec toi quand tu dis qu’en France l’erreur est quelque chose de mal vu ! Si tu ne l’as pas déjà lu, je te conseille le livre « Les vertus de l’échec » de Charles Pépin. Il va tout à fait dans ton sens et montre pourquoi les erreurs et les échecs sont en fait des magnifiques occasions de progression 🙂
Aline
Bonjour Aline et merci pour ce commentaire !
Je ne connais pas ce livre mais je vais me pencher dessus, et le mettre sur ma pile de livres à lire !