Confronter les disciplines, qu’est-ce que ça vous apporte ?

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Pourquoi vous confronter à des disciplines différentes de la vôtre ? Comment cela peut-il booster vos progrès ? Comment aborder un stage d’un art très éloigné de ce que vous pratiquez habituellement ? Voici des questions que nous allons aborder.

Avant d’aller plus loin dans cet article nous vous rappelons que vous pouvez télécharger gratuitement

Par confrontation, nous voulons dire une opposition mais de façon raisonnée, pour pouvoir en tirer le meilleur parti. 

Avant de commencer l’article, nous voudrions vous demander quel stage vous a le plus marqué. Dites-le-nous en commentaire !

Confronter, qu’est-ce qu’il y a à gagner ?

Avez-vous un grand intérêt à vous présenter à des stages très différents de votre pratique ?

Apprendre et réapprendre

Lorsque vous allez vous confronter à un autre style, à une autre méthode, vous risquez d’être dérouté et perdu. Mais cela peut être une très grande chance pour vous de progresser.

En allant voir quelque chose qui ne ressemble pas à votre Art Martial ou votre Sport de combat, vous avez la chance de pouvoir apprendre ou réapprendre des mouvements ou des principes importants. 

Armand Valle, le fondateur du Ju-jutsu Mushinryu, me disait souvent d’être plus relâché au niveau des épaules, mais je n’y arrivais pas malgré ses conseils et indications. Un jour, lors d’un stage d’une discipline très différente dans la mise en œuvre, le sensei Japonais (dont j’ai malheureusement oublié le nom) a dit “laissez tomber vos épaules dans le sol en restant solide au niveau du tronc et des cuisses”. Allez savoir pourquoi, mais je venais de comprendre ce que Armand me disait depuis des années. Parfois, changer d’enseignant permet d’entendre les mêmes conseils différemment et de réussir à les mettre en œuvre.

C’est aussi ce qui s’est passé pour Anne lorsqu’elle a assisté au stage de Daïto Ryu de Kawabe Takeshi sensei.

De plus, si vous restez toujours dans votre école vous vous enfermez. Attention, je ne dis pas qu’il ne faut pas approfondir une discipline et lui rester fidèle, ce que je veux dire c’est qu’en allant voir ailleurs vous vous donnerez les moyens de mieux comprendre votre propre pratique.

Par exemple, en allant au stage de Léo Tamaki, j’ai pu mieux comprendre certains éléments du Ju-jutsu Mushinryu, qui sont pourtant parfois très éloignés. 

C’est également un excellent moyen de conserver la passion, en apprenant de nouvelles choses, pour le plaisir d’apprendre tout simplement. Cela peut sembler dérisoire, car certaines techniques ne vous seront pas du tout utiles dans votre discipline, mais le fait d’apprendre quelque chose de nouveau vous apportera de la fraîcheur. 


Par exemple, lorsque j’ai fait de la coupe au katana avec Kunimasa sensei, cela n’est pas ce que je pratique habituellement dans le Ju-jutsu Mushin Ryu, mais cela m’a beaucoup plu et inspiré. Confronter ma pratique avec cette discipline m’a permis d’approfondir les principes de mon école.

Se confronter pour se remettre en question

À propos de Saotome sensei : “La première fois que je l’ai vu, je me suis dit “il piétine”. Je jugeais avec ce que j’avais l’habitude de voir. Tout ce qui était différent n’était pas bon à mes yeux, et ce qui était très très différent, je ne le voyais même pas ! “

Christian Tissier – Aïkido – Yashima tome 5

Cette citation de Christian Tissier nous montre que lorsque nous ne sommes pas dans le bon état pour apprendre, on ne profite pas pleinement d’un événement. Cependant, lorsqu’il revient sur cette expérience enrichie des années de pratique qu’il a eu depuis, on peut remarquer qu’avec le temps elle l’a enrichi dans sa pratique.

Lorsqu’on va se confronter à une discipline très différente, il est difficile de ne pas comparer ce que l’on apprend avec ce que l’on fait quotidiennement. Mais est-ce vraiment bénéfique ? Est-ce que cela ne va pas détériorer l’image que l’on de son style ?

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Par exemple, un pratiquant de Tai Chi Chuan qui irait à un stage de Boxe anglaise penserait que sa discipline est inutile s’il n’arrive pas à gérer son adversaire sur le ring. Cependant, ce serait, selon moi, se méprendre sur quelques points. Est-ce que ces disciplines ont le même but (en gardant en tête qu’il existe plusieurs écoles de ces disciplines dont les buts diffèrent) ? Est-ce qu’elles utilisent les mêmes principes ? Peut-on vraiment comparer deux disciplines par rapport à deux pratiquants ? 

Bref, il nous est difficile de vraiment comparer deux écoles, et ce n’est pas vraiment le but de ce type de confrontation. D’ailleurs, en ayant fait de nombreux stages et échanges avec des Arts Martiaux ou Sports de Combat différents, il est très rare que les participants entrent dans ce jeu. Le plus souvent, les personnes sont simplement curieuses de découvrir une nouvelle façon de faire. 

Le plus intéressant est de comparer ce que vous avez appris avec ce que vous connaissez déjà et de voir quels ponts peuvent être faits pour enrichir votre pratique. 

L’erreur est souvent de chercher une discipline ultime, comme je l’explique dans cet article sur le MMA. Chaque discipline a des avantages et des désavantages, les connaître est important et les stages où l’on teste quelque chose de très différent sont un excellent moyen de s’en rendre compte et de continuer à progresser.

Enfin, un autre avantage est de renforcer notre Shoshin, esprit du débutant, en nous confrontant à des choses que nous ne maîtrisons pas du tout. Il existe existe une multitude de façons de voir les choses, de les comprendre et de les mettre en pratique. Se rappeler cette multiplicité grâce à un stage qui met en scène d’autres visions est extrêmement bénéfique pour l’humilité. 

S’immerger pour comprendre

Lorsqu’on regarde quelque chose de loin, on peut penser que cela est efficace ou totalement inefficace. Que cela soit par vidéo, ou en tant que spectateur depuis des gradins. Mais, en allant se confronter à des pratiquants peut-être changerez-vous d’avis.

Souvent ce qui diffère de ce que l’on connaît nous paraît ridicule ou inutile, c’est un processus logique de l’humain afin de s’identifier à un groupe et de se rassurer dans ses choix. Mais il est important d’apprendre à sortir de cela pour pouvoir progresser. 

Par exemple, l’Aïkido est souvent critiqué pour son efficacité, mais cela est un raccourci pris depuis certaines pratiques qui ne mettent plus l’accent sur le côté martial mais plutôt sur le côté développement personnel et bien-être/santé ou encore sur l’aspect esthétique de la discipline. C’est un choix tout à fait louable, mais d’un point de vue externe, il nous est difficile de comprendre cela. 

De plus, en choisissant un stage avec une personne qui pratique un Aïkido réputé efficace (car, à ce stade, vous ne pouvez que vous appuyer sur la réputation) vous pourriez très bien changer d’avis. Pour avoir suivi les cours avec Philippe Léon, je peux vous dire que l’efficacité est au cœur de ses cours. 

D’ailleurs cette question de l’efficacité de l’Aïkido a été traité dans un article complet.

confronter, s'imerger pour comprendre

En faisant le choix de vous immerger dans la pratique et en acceptant le fait que vous serez peut-être surpris, vous pourrez mieux comprendre une discipline et peut-être que vous changerez totalement votre opinion sur elle. De plus, vous aurez aussi des chances de profiter de tout ce que l’on a dit avant, c’est-à-dire de voir différemment les principes que vous connaissez déjà, de découvrir de nouvelles façons de faire et peut-être que vous trouverez quelque chose de complémentaire à votre pratique.

Se confronter, oui mais pas n’importe comment

Se confronter oui, mais pas n’importe comment. Si vous allez à un stage pour prouver que vous avez raison et que vous maîtrisez mieux telle ou telle chose que vos partenaires, vous n’en tirerez pas grand-chose.

Nous allons ici approfondir des points que nous avons soulevés plus haut.

Ne pas y aller dans un esprit d’opposition

“Toutes les disciplines martiales sont bonnes car elles répondent chacune aux attentes individuelles des personnes qui les pratiquent.” 

Philippe Galais, expert en Nihon Taijutsu  “Trois conseils pour améliorer votre pratique, par 15 experts” ebook téléchargeable gratuitement ici

Si vous allez visiter une maison que vous souhaitez louer en vous disant “de toute façon cette maison est pourrie, je ne veux pas y habiter”, soyez certains que vous ne verrez que les points négatifs. À l’inverse, vous ne verrez que les points positifs en vous étant conditionné par un discours interne positif comme “C’est exactement ici que je souhaite habiter, c’est le quartier de mes rêves”.

Il est important d’avoir conscience de cela lorsque vous vous rendez au stage, sans quoi vous risquez de passer complètement à côté des bénéfices que vous pourriez en tirer.

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Si vous êtes comme ces deux chèvres, en train d’essayer de prouver quelque chose, vous ne serez pas dans une bonne position pour apprendre du stage

Avant le stage, évitez de lire ou de discuter avec des personnes qui vont vous dire du mal de cette discipline, car ces opinions vont clairement influencer votre jugement. Vous pouvez également faire une liste de ce que vous souhaitez voir dans ce stage et la lire tous les matins et tous les soirs. Votre cerveau sera beaucoup plus efficace pour trouver ces points. 

Par exemple, si je vais à un stage de Chi Gong en me disant :

  • C’est trop lent
  • C’est inefficace
  • Aucune application martiale n’est pas envisageable

Il est certain que je ne tirerai que peu de positif de ce stage. 

À l’opposé, en allant en ce même stage si je me dis : 

  • L’ancrage est un gros point fort de cette discipline
  • Le relâchement de l’enseignant m’intéresse
  • Ils génèrent beaucoup de puissance à très courte distance

Il y a beaucoup plus de chances que j’obtienne des choses positives de ce stage.

L’inconvénient de cette méthode est qu’elle limite, elle cadre ce que vous recherchez et vous “oblige” à avoir un a priori. Mais, en facilitant un regard positif, elle permettra de revenir à un stage, et puisque vous aurez déjà un regard positif sur la discipline, vous pourrez venir sans avoir à vous “conditionner”. 

Un des grands freins à cette vision positive lorsqu’on cherche à confronter deux disciplines c’est la tendance à vouloir tout opposer en permanence. On a tendance à dire que les Sports de Combat et les Arts Martiaux sont différents, ce qui n’est pas totalement le cas (vous connaissez mon point de vue si vous avez lu l’article).

Je terminerai ce paragraphe par une citation d’Antony Réa, Champion du Monde MMA et 6ème Dan de Karaté Pankido à propos des experts de Karaté traditionnels et ceux axés compétition:

“Passé un premier stade [un certain niveau], on se retrouve beaucoup sur certaines manières de travailler”. 

Antony Réa, Champion du monde de MMA et 6ème dan de Karate Pankido

Chercher ce qu’on peut en tirer pour grandir

Si vous rentrez chez vous après le stage et que vous faites comme José, un gros barbecue en oubliant complètement votre stage, vous pouvez passer à côté d’un élément très important et très enrichissant : le débriefing. 😜

En rentrant, prenez le temps de réfléchir à ce que vous allez laisser de côté (car cela ne vous intéresse pas pour l’instant) et ce qui va vous inspirer dans votre pratique. Cela peut être un tout petit point comme le fait de mieux gérer le souffle sur tel exercice, ou essayer de faire tel mouvement que vous avez vu faire par l’expert, ou quelque chose de beaucoup plus gros comme une focalisation sur le relâchement à la manière de.. 

Le second stage que j’ai résumé avec Léo Tamaki m’a montré que ma réflexion suite au premier m’a permis de mieux cerner cette école, de mieux comprendre ce qu’elle peut m’apporter (sans nécessairement réussir à le mettre en œuvre correctement immédiatement, tout demande du travail et de la patience). Un des points qui m’inspirent le plus est la façon de se déplacer avec légèreté et disponibilité.

Mais, en cherchant ce que vous allez tirer de ce stage, vous allez trouver une chose positive (il ne m’est jamais arrivé de ne rien tirer, même d’un stage que je n’avais pas trop apprécié) et enrichir votre discipline. 

Si vous n’avez pas du tout aimé ce qui vous a été présenté, réfléchissez au pourquoi de la chose et vous pourrez ainsi mieux comprendre votre discipline et progresser également. Par exemple, lors d’un stage j’avais été très négativement marqué par le fait que le partenaire, Uke, attaquait extrêmement lentement et que le défenseur, Tori répondait très rapidement. Cela ne correspond pas du tout à ma façon de faire, mais cela m’a permis de comprendre ce que je voulais éviter et de mieux travailler en tant qu’Uke mais aussi en tant qu’enseignant. 

Un autre exemple que l’on peut prendre est le comparaison entre les coups de poing du Karate et de la Boxe et la recherche ce que l’on peut en tirer.

Avoir conscience que ce qui est différent n’est pas nécessairement mauvais

« Après un échange avec une autre unité, voilà la conclusion d’Aton : “Au moment de se quitter, alors que nous les remercions pour leur accueil, ils nous confient avoir apprécié notre état d’esprit free fly – nul doute que si nous nous étions fiés à notre première impression et étions resté sur notre réserve, l’échange aurait été moins fructueux.”

GIGN, Confession d’un OPS, Aton (Philippe B), p.176

Est-ce que si je pratique un Sport de Combat le fait d’aller voir un système de Self-Défense ou un Art Martial est utile ? Est-ce que ce n’est tout simplement pas inutile vu qu’ils ne portent pas nécessairement les coups, n’ont pas les mêmes objectifs ? 

Cela fait partie des remarques et questions que je reçois le plus. Pourquoi aller voir un système plus cadré, moins libre, ou moins rapide ? Est-ce que cela peut vraiment m’enrichir ? 

differents arts martiaux

Il faut vraiment comprendre que ce qui est différent n’est pas quelque chose qui est nécessairement mauvais. Il existe de nombreuses façons de tenir un stylo pour écrire, ce n’est pas parce que vous en utilisez une que les autres sont mauvaises et ne permettent pas d’arriver à un résultat similaire (enfin, lorsque j’essaie de me relire, je me dis que je devrais parfois changer de façon de faire). 

Les Arts Martiaux et les Sports de Combat existent depuis longtemps, très longtemps, et s’il en existe autant, c’est tout simplement parce que plusieurs systèmes sont viables. En allant enrichir votre pratique ailleurs, vous vous offrez la possibilité de découvrir de nouvelles choses. 

Bien sûr il existe des différences comme l’explique Léo Tamaki, mais c’est surtout de nouvelles choses à découvrir et à approfondir. 

C’est d’ailleurs ce qu’ont toujours fait les armées, mais aussi ce qui se pratique dans tous les domaines artistiques. Lorsqu’on découvre une nouvelle technique pour peindre ou une nouvelle arme dans un autre pays, on s’en empare pour enrichir notre arsenal ou notre répertoire. 

Bien entendu, il existe le risque d’être déçu lors d’un stage, mais si vous avez suivi les quelques conseils de cet article, il y a tout de même peu de chances que cela soit le cas. 

Confronter sa pratique et la questionner

Une autre façon de tirer parti d’un stage est de confronter ce que vous avez vu dans ce stage à ce que vous connaissiez déjà comme nous en avons parlé auparavant. Mais cela est très compliqué si vous n’avez pas un niveau suffisant, car vous n’aurez pas le recul pour analyser votre méthode avec pertinence.

Par exemple, dans le stage de Kali Eskrima Doblete Rapillon que nous avons pu faire avec François Guerrieri, certaines choses m’ont marqué car elles bousculaient mes habitudes. Si je n’avais eu que peu d’années de pratique dans le Ju-jutsu Mushin Ryu j’aurais pu en venir à la conclusion “Le Kali Eskrima est LA SOLUTION, le Ju-jutsu ne sert à rien”. Aujourd’hui, avec mon bagage j’ai conscience que si le Kali peut proposer des solutions tout à fait efficaces, il a aussi ses limites et ses défauts, ce qui n’engage que moi encore une fois. 

Ce que je veux dire, c’est que lorsque nous pratiquons quelque chose de nouveau nous pouvons être fascinés par cela et nous sentir emballés, happés par cette nouvelle énergie (ce qui peut être vraiment très bien) au détriment (ce qui est nettement moins bien) de ce pour quoi on était venu, comme enrichir notre pratique . Pour éviter cet écueil, avoir un niveau correct dans sa discipline de base permet de confronter sa pratique, de la questionner et de la faire évoluer sans pour autant la dénaturer.

Cela n’empêche en rien le fait qu’un jour peut-être je serai subjugué par une autre discipline et que j’abandonnerai le Ju-jutsu Mushin Ryu, mais je pense que j’aurais suffisamment de recul pour le faire non pas sur un coup de tête mais suite à un choix éclairé par mon expérience et ma réflexion. 

Cet article touche à sa fin, s’il vous a semblé pertinent n’hésitez pas à le partager pour soutenir notre travail !

À très vite 

Cet article est corrigé par Henri-Pierre Juguet. Nous le remercions pour son travail de qualité. Si vous aussi vous souhaitez un bon relecteur/correcteur, voici son adresse mail :  hpj.correction.redaction@gmail.com

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