Cet article aurait dû sortir en fin de saison dernière, mais suite à quelques complications il avait été reporté à une date ultérieure.
Qu’à cela ne tienne, je profite aujourd’hui de la récente sortie du dernier magazine Yashima et du prochain stage international d’Aïkido animé par Dojo-cho Mitsuteru UESHIBA le weekend des 26 et 27 octobre (2019) à Vanves (92) pour réparer ce contre-temps !
Bonne lecture !
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Bonjour chers lecteurs, 🙂
Pour la première fois sur ce blog, c’est moi (Anne) qui m’adresse directement à vous au travers d’un article. Si je l’avais déjà fait sur plusieurs vidéos, comme celle-ci sur comment s’entraîner en voiture, je préfère en général travailler dans les coulisses et laisser la parole à Marvin. Comme il a plus d’expertise dans le milieu des arts martiaux, je joue en général le rôle de celle qui pose les questions et qui se met à la place du débutant.
Et cela tombe bien, car c’est en temps que totale débutante en Daitô Ryû que je me suis rendue au stage de Kawabe Takeshi sensei, où nous avions été invités par Yashima Magazine en mars dernier ! Je vais donc vous faire un petit tour d’horizon de cet art martial passionnant aux origines de l’Aikido, et vous partager tout ce que j’ai pu apprendre pendant cette journée riche d’enseignements.
Le stage de Kawabe Takeshi sensei (notamment en Daitô Ryû) : voyage aux origines de l’Aikido
Le Daitô Ryû Aiki ju-jutsu
Pour faire simple, le Daitô Ryû est une école de ju-jutsu fondée au début du 20e siècle par Takeda Sôkaku. Elle puise ses sources dans l’ancienne tradition martiale de la famille Takeda, l’une des grandes familles de gouverneurs de provinces (daimyô) du Japon jusqu’à la fin de l’ère d’Edo (1868).
Si vous voulez en savoir plus sur l’histoire du Daitô Ryû, je vous invite à lire cet excellent article.
Le Daitô Ryû aux origines de l’Aikido
Si l’on se base sur cet article très intéressant, on pourrait s’avancer à dire que l’Aikido d’Ueshiba Morihei et le Daitô Ryû de Takeda Sokaku sont la même chose. Je tiens à dire que sur internet de nombreuses personnes suivent cette idée. Et, bien que j’aimerais proposer une nuance à cette affirmation, il y a un peu de vérité là-dedans.
Tout d’abord, la base technique de l’Aikido est en très grande partie issue de cette école. À partir des années 1915 (1), le fondateur de l’Aikido (Ueshiba Morihei) reçoit du dirigeant du Daitô Ryû Aiki Ju-jutsu (Takeda Sokaku) un enseignement régulier et devient enseignant de cet art martial à partir de 1922. Il est donc difficile de dire qu’il n’y a aucun lien entre ces deux écoles. D’autant plus que Ueshiba Morihei ne semble pas vouloir marquer une séparation trop rapidement avec le Daitô Ryû, puisqu’après ses débuts d’enseignant de Daitô Ryû, il mettra une quinzaine d’années à fonder officiellement l’école d’Aikido.
Cependant, je pense que chaque personne évoluant dans sa vie dans une direction qui lui est propre, chacun fait évoluer la technique de son art martial à sa façon, selon les particularités de son corps, de sa façon de ressentir son art, et selon sa façon de voir le monde. Pour moi, une distance s’est donc logiquement créée entre le Daitô Ryû de Takeda Sôkaku et ce que Ueshiba Morihei a par la suite appelé Aikido.
Si on s’intéresse à l’histoire de l’Aikido, on se rend compte que cet art a par la suite évolué dans de nombreuses directions, ce qui explique en partie le nombre de fédérations qui existent aujourd’hui.
Le Daitô Ryû Takumakai en lui-même
Cependant, durant le stage de Kawabe Takeshi sensei nous n’avons pratiqué ni le Daitô Ryû de Takeda Sôkaku, ni l’Aikido de Ueshiba Morihei, mais le style Daitô Ryû Takumakai. En effet, comme l’explique très bien Léo Tamaki dans son article, il existe de nombreuses écoles de Daitô Ryû. L’une des plus célèbres, et peut-être des plus intéressantes pour un aikikai, est celle de Takuma Hisa. Pourquoi me demanderez-vous ? Tout simplement parce qu’il a étudié le Daitô Ryû sous la direction de Takeda Sokaku et de Ueshiba Morihei !
Takuma Hisa a ensuite créé sa propre école, le Daitô Ryû Takumakai. Et c’est dans cette école que Kawabe Takeshi sensei a débuté et évolué tout au long de sa vie. Le stage de Kawabe Takeshi sensei m’attirait donc d’autant plus que je suis au départ une aikikai (pratiquante d’Aikido).
Qui est Kawabe Takeshi sensei
Ce stage de Kawabe Takeshi sensei été une belle rencontre pour moi. Une rencontre avec l’homme, mais aussi avec la discipline que je ne connaissais pas.
Aujourd’hui 8e dan et seul enseignant professionnel de l’école Takumakai, Kawabe Takeshi sensei a eu la chance de rencontrer et de recevoir des plus grands maîtres la plupart de ses dan. Sa volonté de diffuser le Daitô Ryû à travers le monde l’a amené à voyager partout tout au long de sa vie, ce qui lui a permis d’analyser de manière assez complète les différentes méthodes d’enseignement qui existent dans les arts martiaux, et notamment au Japon vis à vis des étrangers.
Dans le grand entretien du Magazine Yashima, il parle d’ailleurs de la sincérité dans l’enseignement. Cette sincérité et sa bienveillance étaient palpables pendant le stage auquel j’ai participé. C’est une des choses qui m’a le plus touchée. D’ailleurs, si vous avez lu notre article sur le stage de Kunimasa Matsuba sensei, vous aurez remarqué qu’ils ont ce point commun.
Kawabe Takeshi sensei est une personne très souriante. Et malgré son grade d’instructeur en chef, il a su se mettre à la portée de tous les élèves, peu importe leur niveau. Dans sa manière d’enseigner on ressent l’envie de transmettre, et de faire ressentir à ses élèves les diverses forces et directions qui s’exercent, dans les différentes techniques, sur tori (celui qui fait la technique) et sur uke (l’attaquant qui reçoit la technique). On sent qu’il aime pratiquer avec ses élèves. D’après lui, c’est pour toujours continuer à progresser (cf. grand entretien du magazine de Yashima de janvier 2019).
J’ai eu la chance de pouvoir pratiquer un peu avec lui, mais je vous raconte cela un peu plus bas. 😉
Mon expérience durant ce stage de Daitô Ryû avec Kawabe Takeshi sensei
Sortir de ma zone de confort
Nous avons consacré un article complet sur l’intérêt de sortir de sa zone de confort et nous avons notamment parlé du fait de faire des stages.
Eh bien ! Cela faisait presque 4 ans que je n’avais pas mis mon dogi d’Aikido (qu’on appelle à tort kimono). Alors en le remettant pour pratiquer dans un stage de Kawabe Takeshi sensei organisé par Léo Tamaki sensei (avec pour consigne de prendre des photos et en faire un article), ma zone de confort était loin derrière moi !
Mais même si j’avais une certaine appréhension, aller rencontrer ces maîtres, pratiquer avec de nouvelles personnes et découvrir l’art martial en grande partie à l’origine de l’aikido fut une grande source de joie.
Nous avons pratiqué un grand moment le bokken. C’est une arme que j’affectionne particulièrement, et qui est présente en Ju-jutsu Mushin Ryû (l’art martial que je pratique) comme en Aikido.
J’ai ainsi pu pratiquer avec plusieurs personnes qui venaient d’écoles différentes, dont certaines apparemment spécialisées dans l’art du sabre japonais. Elles avaient toutes une manière différente d’aborder et de ressentir le bokken. Grâce à cela, j’ai pu bénéficier de leurs conseils et me rendre mieux compte de certains de mes défauts.
Et c’est en cela que le fait de sortir de sa zone de confort et de rester l’esprit ouvert à la nouveauté est important. Car même si j’avais déjà souvent entendu : “Anne, déplace-toi comme ça, mets ton bokken ici, etc.”, le fait de l’entendre d’une autre manière, par des pratiquants avec qui je n’avais pas encore de réflexes d’entraînement, me faisait vraiment ressentir mes défauts en les pointant du doigt (enfin du sabre 😉 ). Si je n’avais pas fait cet effort ce jour là, je n’aurais sûrement pas pu faire les mêmes progrès !
Un bon moment de partage
Comme quasiment tous les stages que j’ai pu faire, c’était un stage très convivial. J’ai immédiatement été accueillie par l’équipe de Yashima qui m’a permis de me mettre en place et m’a aidé à m’installer.
Tous les pratiquants ont échangé, peu importe leur niveau. Ce qui comptait c’était pratiquer ensemble et progresser ensemble. C’est vraiment une ambiance que j’adore, car on voit qu’il n’y a aucune limite entre les arts martiaux. Quel que soit son style ou son art, tout le monde peut pratiquer et apprendre avec tout le monde. Chacun pratique les arts martiaux pour des raisons qui lui sont propres, mais du moment que l’on respecte nos différences alors il n’existe aucun problème et tout se passe pour le mieux.
Le stage de Kawabe Takeshi sensei : se relâcher, et ressentir
Comme je vous l’ai dit un peu plus haut, j’ai pu un peu pratiquer avec Kawabe Takeshi sensei. Pour supprimer la barrière de la langue, et peut-être parce que c’est sa façon d’enseigner également, il est venu parmi nous pour nous faire ressentir les techniques.
Je dois d’abord vous dire qu’il y a une notion avec laquelle j’ai toujours eu des difficultés, c’est la notion de relâchement. Je l’ai déjà expérimenté à plusieurs reprises, mais de manière assez partielle. C’est une notion difficile à appréhender pour un débutant, car il a autant de barrières psychologiques (“je ne peux pas me relâcher car mes muscles sont trop faibles !”) qu’il a de difficultés à ressentir et faire travailler son corps dans le bon sens (faire la différence entre un muscle relâché et un muscle mou).
Le relâchement ne vient donc naturellement qu’après un certain temps de pratique, et à condition d’avoir assez entraîné sa condition physique et sa capacité à ressentir son corps et l’énergie qui circule en lui, c’est à dire les différentes tensions ou non tensions, les directions, etc. Toutes ces notions sont fondamentales dans toutes les pratiques martiales. Elles nous questionnent dès nos premiers cours et notre pratique évolue en bonne partie en fonction d’elles, il est donc important de toujours travailler à améliorer ces points !
Selon Kawabe sensei, être capable de ressentir le corps de son partenaire autant que le sien est un des points importants pour s’améliorer en tant qu’uke et en tant que tori.
Ce jour là, alors que Kawabe sensei tentait de me faire ressentir les différentes forces et directions qui s’opéraient pendant un travail de déséquilibre en ne wasa (position à genoux), j’ai réussi à intérioriser cette notion de relâchement. Il apporte la puissance sans la force brute et aveugle. Il supprime les contractions qui ne sont plus nécessaires tout en permettant au corps de voir et suivre le partenaire, et donc de développer sa puissance dans les bonnes proportions et dans la bonne direction.
Par la suite, j’ai aussi pu observer Kawabe sensei pratiquant certains mouvements de bokken. Quand il est venu nous voir mon partenaire et moi, il nous a remontré ces mouvements en amenant notre attention sur le travail des hanches. J’ai ainsi pu observer de près le relâchement et en même temps l’énergie qu’il mettait dans ses hanches. Cela rendait ses mouvements très explosifs et précis, tout en lui permettant de rester ancré ou détaché du sol selon un timing lui aussi très précis. J’ai ainsi pu ressentir beaucoup plus précisément ce qui devait se passer dans mon propre corps.
Je vais garder et chérir cette notion et continuer à la travailler. D’ailleurs, ce qui est amusant, c’est que j’ai directement pu l’appliquer aux cours de Ju-jutsu qui ont suivi. J’ai compris pourquoi cela coinçait sur certaines techniques et pourquoi Marvin n’avait de cesse de me répéter relâche-toi ! Seulement, entre comprendre et arriver à le faire il y a un monde, mais qu’un seul chemin : la répétition !
Un point sur l’apprentissage sans grands discours
J’aimerais aussi rajouter que tout ce que Kawabe sensei a réussi à me faire ressentir, il l’a fait sans un seul mot. Seulement en amenant mon attention au bon endroit et au bon moment. C’est une qualité extraordinaire chez un instructeur, que l’on ne prend pas assez en compte en occident à mon sens. C’est d’ailleurs une différence très emblématique de la différence culturelle entre les peuples orientaux et occidentaux. Dans la culture orientale, le ressenti prend le pas sur l’intellect. Alors que dans la culture occidentale, c’est l’intellect qui prend le pas sur le ressenti.
Pour moi qui ai un TDA/H (une différence neurologique dans la capacité d’attention, avec ou sans hyperactivité), le moment où on commence à me parler est généralement celui où j’arrête d’être concentrée et d’apprendre. Et (c’est mon humble avis d’élève passionnée par les stratégies d’apprentissage des personnes avec TDA/H) l’étude des arts martiaux gagnerait en efficacité si l’on portait dans les cours plus d’attention à l’art de diriger l’attention et à nos ressentis. D’ailleurs cela vaut pour la plupart des occidentaux, qui ont perdu l’habitude d’habiter leur corps. 😉
Yashima Magazine, les organisateurs du stage de Kawabe Takeshi sensei
J’en ai déjà parlé un peu plus haut, mais je voudrais remercier le magazine Yahima de nous avoir permis d’assister à ce stage. Ils savent rester accueillants, simples et sincères, même lorsqu’ils organisent des évènements de l’ampleur de ce stage de Kawabe Takeshi sensei. Merci aussi à David et Manon Crumière pour leurs superbes photos !
Ce magazine est un excellent moyen d’en apprendre d’avantage pour les personnes qui pratiquent les arts martiaux japonais. Comme nous le disions dans notre article et notre vidéo, la préparation mentale passe également par un peu de curiosité intellectuelle. Si vous recherchez un contenu de qualité, je vous conseille vivement de lire Yashima Magazine, qui est une mine d’informations tant en ce qui concerne les arts martiaux que la culture du Japon. Je vous mets ici un lien vers leur site. Je tiens à souligner que nous ne gagnons pas d’argent, ce n’est pas un placement de produit, nous le faisons simplement parce que nous apprécions ce magazine. 😉
Merci à vous d’avoir lu cet article, si vous voulez en savoir un peu plus sur différentes notions et états d’esprit présents dans les arts martiaux, n’hésitez pas à visiter l’un de ces articles :
- Shoshin, l’esprit du débutant,
- Zanshin, l’esprit vigilant,
- Fudoshin, l’esprit immuable,
- Mushin, l’esprit vide.
Si vous souhaitez vous aussi sortir de votre zone de confort et dépasser vos limites, nous serons heureux de vous accueillir au stage 24H que nous organisons le samedi 09 novembre 2019 à Grisy-Suisnes (77166) (inscription obligatoire) ! Vous pouvez en savoir plus sur ce qu’est un 24H et sur ce stage en particulier en allant visiter cet article. 😉
À très vite !
(1) : Ueshiba l’Invincible
Sources :
- Site Officiel – Aikibudo – FFAAA
- Daito Ryu de Takeda Sokaku = l’Aikido d’Ueshiba Morihei. . . Mais votre Daito Ryu / Aikido ne peut pas = Leur !, True Aiki
- Daïto ryu Takumakaï, Jean-Antoine Gonzalez, de Léo Tamaki sensei
- Les racines de l’Aïkido, de Léo Tamaki sensei
- Kawabe Takeshi : le maître de l’aiki, Yashima magazine éd. exclusive janvier 2019
- Encyclopédie mondiale des arts martiaux, de Patrick Lombardo